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II.

Une des premières occasions qui se présentèrent pour Baltard de produire son talent devant la foule fut le concours ouvert à la suite de la translation à Paris des restes de l’empereur Napoléon. Aux termes du programme ou plutôt de l’avis publié par l’administration, — car tout s’était borné à un appel aux artistes sans qu’aucune condition technique eût été d’avance imposée à leurs travaux, — les architectes, les sculpteurs, les peintres même, s’étaient empressés de participer à ce concours, et depuis Duban, M. Labrouste, M. Duc, jusqu’à Debay et M. de Triqueti, jusqu’à Achille Devéria, quatre-vingt-un d’entre eux avaient exposé à l’École des Beaux-Arts leurs projets pour l’exécution du tombeau que la loi du 10 juin 1840 ordonnait de placer sous le dôme de l’église des Invalides.

Libre de donner carrière à son imagination, sans autre obligation en fait que le devoir de s’en tenir au lieu indiqué, Baltard, contrairement à la plupart des concurrens, avait eu la pensée d’établir la sépulture de Napoléon non pas au niveau du sol de l’église, mais dans un caveau creusé à une certaine profondeur et auquel aurait donné accès une galerie souterraine se prolongeant sous la grande nef, galerie dont la porte se serait trouvée dans le piédestal d’une statue équestre érigée au centre de la cour royale, par conséquent à l’extérieur de l’église. Sauf l’idée assez regrettable de placer l’entrée d’un pareil monument dans le piédestal d’une statue qui d’ailleurs, en s’élevant à cette place, semblait transformer Napoléon en gardien de son propre tombeau, le projet de Baltard se distinguait par la grandeur de l’ordonnance, par l’heureuse combinaison des diverses parties. Aussi obtint-il l’unanimité des voix dans la commission instituée pour juger les résultats du concours. Malheureusement un autre travail tardivement envoyé, si tardivement même qu’on soupçonna l’auteur de ne l’avoir entrepris qu’après avoir eu connaissance des œuvres de ses rivaux et surtout des bonnes dispositions du ministre à son égard, un autre projet fut, unanimement aussi, placé par la commission au même rang que celui de Baltard. Conseillée ou non, cette bienveillance des premiers juges permit à l’administration de trancher la question dans le sens de ses préférences personnelles, et ce fut Visconti qu’elle chargea d’édifier le tombeau de Napoléon.

Nous n’avons pas à insister ici sur les détails se rattachant à l’issue de ce concours, ni à mesurer la part plus ou moins grande qu’a pu prendre celui qui en profitait aux faits qui l’avaient amenée. Bornons-nous à dire que là où Baltard eût paru excusable de garder quelque ressentiment, c’est à peine s’il donna lieu de croire qu’il