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L’ancien préfet de la Seine avait conçu un projet grandiose. Il voulait doter Paris d’un champ de sépulture très vaste placé parmi des terres sablonneuses propres au rapide anéantissement des corps, exposé au vent du nord, qui est celui dont nous recevons le moins les atteintes; la ville aurait été reliée à sa nécropole par un chemin de fer spécial qui, pour ne point déranger les habitudes de notre population, aurait eu trois gares, une dans chacun de nos trois grands cimetières. La tranchée gratuite, la fosse commune, — cette horreur du pauvre, — était supprimée à jamais. Au lieu de ces inhumations dont 20 centimètres de terre ne dissimulent qu’imparfaitement l’humiliante promiscuité, il donnait à chacun sa sépulture individuelle, semblable à celles que l’on trouve aujourd’hui dans les concessions temporaires, et il ne la reprenait qu’au bout de trente ans. Pour bien des gens, c’était la perpétuité. Il vendait aux riches, à beaux deniers comptans, autant de mètres de terrain qu’ils en auraient voulu pour dresser des mausolées; aux pauvres, il accordait gratuitement la place fixe, déterminée, nominative, qui constitue l’authenticité du tombeau. Vraiment un tel projet ne méritait pas tant d’anathèmes. Après des études approfondies et très sérieusement conduites par un ingénieur tel que M. Belgrand, il fit des acquisitions près de la vallée de Montmorency au territoire de Méry-sur-Oise, et la ville possède maintenant sur ce plateau exceptionnellement bien situé 514 hectares de terrain.

Que va-t-on faire ? La mort sans répit nous pousse à prendre une détermination définitive. Le provisoire actuel est ruineux : on a acheté des champs à Ivry, des champs à Saint-Ouen, on sait quand ils seront saturés; en prévision de nécessités inéluctables, dans la crainte que le projet de la grande nécropole centrale de Méry-sur-Oise soit abandonné, on a fait des études sur différens points pour y établir encore des cimetières transitoires. Ce serait aggraver le mal au lieu de le détruire, ce serait reculer la solution d’un problème qui s’impose comme un devoir aux soucis de l’administration. Il y aurait une généreuse hardiesse à exécuter le plan de M. Haussmann, et à doter notre futur cimetière de l’ampleur suffisante aux besoins d’une population qui tend toujours à s’accroître, et qui dépassera 3 millions d’habitans lorsque les espaces vides subsistans entre nos anciens boulevards extérieurs et les fortifications seront bâtis. De travaux exécutés par des géomètres, de calculs faits par des gens compétens, il résulte que, pour ne point léguer à l’avenir les difficultés qui nous assaillent, la nécropole unique d’une ville comme Paris doit couvrir 827 hectares, dont 277 absorbés par les constructions administratives et religieuses, par les avenues, par la gare d’arrivée, et 550 réservés aux sépultures. En se conformant au projet originel et en ne faisant les reprises des