Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 2.djvu/861

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

purement passive, cherchons à nous entourer de toutes les conditions qui en assurent le succès. Remarquons d’abord que les faits recueillis sur place par un observateur isolé, quelque intéressans qu’ils puissent être au point de vue du climat particulier de la région qu’il habite, ne sauraient nous renseigner sur les mouvemens généraux de l’atmosphère : autant vaudrait demander à un soldat qui, immobile pendant une bataille, n’a pu voir que ce qui se passait autour de lui, de nous décrire les péripéties d’une affaire qui s’est engagée sur plusieurs lieues d’étendue, ou les grandes combinaisons stratégiques qui l’ont préparée. — La première condition à remplir pour arriver à des résultats instructifs est de relier entre elles et de centraliser toutes les observations recueillies en un grand nombre de points disséminés sur les plus grandes surfaces possibles. La seconde est de s’assurer de la valeur relative des observateurs, et, si le temps et les circonstances n’ont pas permis de les instruire et de les exercer, de ne leur demander que ce qu’ils sont capables de voir et de décrire avec exactitude et compétence.

Ce programme a été rempli pour la première fois par l’homme que l’on pourrait peut-être appeler le Kepler de la météorologie, le célèbre et regrettable commandant Maury, de la marine des États-Unis. Avec l’énergie, la persévérance, l’esprit de suite, qui sont l’heureux apanage de ses concitoyens, il est parvenu à centraliser et à discuter les observations recueillies à la mer par les navires innombrables dont le commerce américain et anglais couvre les océans des deux mondes. C’est au livre de bord des marins qu’il puisait ses informations ; les soins donnés à l’orientation de la voilure, l’angle de la route du navire avec le méridien géographique, renseignent à chaque heure du jour et de la nuit sur la direction du vent, et pour un capitaine qui connaît les qualités nautiques de son voilier, la quantité de toile mise dehors est le plus sûr des anémomètres. Après un labeur effrayant, M. Maury est arrivé à des résultats dont le commerce maritime a tiré le parti que tout le monde connaît. Sans doute le monument qu’il a élevé n’est encore qu’une construction ébauchée dont les grandes lignes sont à peu près arrêtées, et dont les détails laissent à désirer ; mais, sans écouter les récriminations de quelques navigateurs, qui se plaignent d’avoir rencontré le calme quand on leur avait promis bonne brise, et vent debout quand on leur avait annoncé le grand largue, nous n’en devons pas moins toute notre reconnaissance à l’homme qui a tracé de main de maître à la météorologie la route où elle a rencontré à la fois le succès et un retour favorable de l’opinion publique. Le commandant Maury, par ses écrits, ses démarches actives, ses discours, a été le promoteur de ce grand mouvement d’association entre les météorologistes les plus accrédités des deux