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Quelle que soit, en cette délicate matière, l’opinion que l’on adopte, il n’en est pas moins vrai que, de l’Atlantique au Pacifique, du nord au sud des deux Amériques, la race rouge est la même ethnologiquement, sauf les variations de langage et de coutumes signalées par tous les voyageurs, et quelques modifications physiques, produites peut-être par le climat. « Lorsqu’on a vu un Indien, de quelque région que ce soit, on les « tous vus, » disaient avec raison les Espagnols de la conquête. Assurément il y a dans les hommes de race blanche, Allemands, Français, Espagnols, Persans, plus de différences qu’entre les Peaux-Rouges de la Californie et du Chili par exemple. Ceux-ci ont invariablement le même teint, la même couleur d’yeux et de cheveux, la même saillie des pommettes, la même obliquité de l’œil, et de plus, phénomène très important à noter, leurs langues, bien que n’ayant entre elles aucune racine commune, même dans les tribus dont les frontières sont limitrophes, leurs langues obéissent toutes au même mécanisme, ce que les linguistes nomment l’agglutination, qui permet de combiner ensemble plusieurs mots pour en faire un seul, représentant une idée complète et dont participe chacun des mots composans. C’est ainsi, pour ne citer qu’un cas, qu’en joignant ensemble les mots bâtir, maison, rivière, les langues américaines, notamment celle des Astèques, une des mieux étudiées, peuvent composer et conjuguer un seul verbe qui signifie : «bâtir une maison près de la rivière. » Les langues aryennes sont au contraire analytiques, ou, comme on dit encore, à flexion, et elles offrent, sauf quelques cas familiers à tous ceux qui connaissent le grec et l’allemand, un phénomène absolument contraire à celui des langues agglutinatives. Humboldt disait de celles-ci : « C’est une disparité totale des mots, à côté d’une grande analogie dans la structure, qui caractérise les langues américaines. Ce sont comme des matières différentes revêtues de formes analogues. » Il exprimait ainsi très heureusement l’affinité que ces langues avaient entre elles dans toutes les tribus du Nouveau-Monde.

Il peut être intéressant de computer le nombre total d’Indiens nomades répandus sur toute la surface des États-Unis. En 1870, on l’estimait à 228,614, non compris les Indiens du territoire d’Aliaska[1], dont on portait en bloc le nombre à 70,000. Entre le Missouri et les Montagnes-Rocheuses, dans le nord des prairies, dans le Dakota, se fait surtout remarquer la grande nation des Sioux, qui ont donné leur nom à ce territoire[2]. Ils sont au nombre d’ environ

  1. Naguère l’Amérique russe, achetée à la Russie en 1867-68 pour la somme de 7 millions de piastres.
  2. Les Sioux s’appellent dans leur langue Dakotas.