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l’Oued-Djeddi ? et celle du lac des Tortues avec le chott Mel-Rir nous paraissent donc hors de doute.

Dans sa seconde table de l’Afrique, Ptolémée cite, le long de la Petite-Syrte, Macadoma, les embouchures du fleuve Triton, Tacape. Dans la même table, en énumérant les montagnes de l’Afrique proprement dite, il cite le mont Vasaletus, où prend sa source le fleuve Triton et sur lequel se trouvent plusieurs lacs : le lac de Triton, le lac de Pallas et le lac de Libye. Il dit encore qu’au pied du mont Vasaletus commence le désert de Libye. Il nomme ensuite les nombreuses villes de l’Afrique, parmi lesquelles il cite Tisurus (Touzeur), qu’il place entre le mont Vasaletus et la mer, — Deux nouveaux lacs apparaissent dans Ptolémée, le lac de Libye et le lac des Tortues, qui n’est autre que le chott Mel-Rir. N’y a-t-il pas lieu d’en conclure que le niveau des eaux a continué à baisser, et que le grand bassin primitif s’est subdivisé en plusieurs bassins distincts ?

Ptolémée fait venir de fleuve Triton du mont Vasaletus, puis il le lait couler dans le lac de Libye. Quel était ce mont Vasaletus Οὑσαλειτον (Housaleiton) ? Il y a bien un mont Ousselet en Tunisie ; mais il est fort loin, au nord des chotts, à l’ouest du lac Kairouan. Le mont Vasaletus, dont le nom a disparu, était sans doute une des chaînes qui forment la ceinture nord-ouest du bassin des chotts. Il nous importe peu d’ailleurs de le retrouver ; il nous suffit de savoir qu’il était situé dans l’intérieur des terres, au-delà de Tisurus et au commencement du désert de Libye. Le fleuve Triton, qui y prenait sa source, ne peut donc être, comme le croient Shaw et Rennell, ni la petite rivière de Gabès, ni le ruisseau d’El-Hammab, qui sont situés près du littoral. — Du lac de Libye, Ptolémée fait couler le fleure Triton dans le lac Pallas et dans le lac Triton. En même temps il place les embouchures de ce fleuve dans la Petite-Syrte, au nord de Tacape. Or il est incontestable aujourd’hui que le lit du chott Sellem, c’est-à-dire du lac de Libye, est bien au-dessous du niveau du golfe de Gabès, et il eût été matériellement impossible qu’il se produisît un courant vers ce golfe. La version de Ptolémée resterait donc inexplicable, si nous ne rendions, ici encore au mot fleuve, dont il se sert, son véritable sens de bassin hydrographique. Par fleuve Triton, il faut entendre l’ensemble des eaux qui s’écoulent dans le bassin du lac Triton ; cette interprétation est d’autant plus admissible que le mot même de triton entraînait toujours l’idée d’eau chez les anciens. « Quelle qu’ait été, dit M. Baissac[1], la signification originelle du mot trito en grec, il est incontestable que l’idée d’eau y fut généralement attachée. » Bien n’est plus

  1. Baissac, de l’Origine des dénominations ethniques dans la race dryane p., 65.