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au moment même où l’océan saharien a disparu, nous devons supposer que pendant longtemps ce lac recevait directement une quantité d’eau assez considérable pour contre-balancer l’évaporation solaire, et que ce n’est que bien plus tard qu’il s’est desséché, à la suite des modifications successives du climat. Forcément il a donc existé une faune littorale sur les bords du chott Mel-Rir, et si on ne retrouve ni vestiges de cette faune, ni lais de mer, c’est qu’ils ont disparu. M. Dubocq, il est vrai, ne parle que des temps historiques ; mais il a bien constaté la présence d’érosions sur les flancs de l’Aurès, qui limitait autrefois l’océan saharien au nord ; il aurait dû en trouver à plus forte raison sur les bords du chott, qui furent un rivage à une époque plus rapprochée de nous.

Il est facile de se rendre compte d’ailleurs de la disparition des vestiges de la mer sur les bords du chott Mel-Rir. On a vu qu’après la formation de l’isthme, dont la conséquence fut le dessèchement des lacs par l’évaporation, l’action des torrens eut pour résultat d’entraîner les matières qu’ils charriaient, d’abord dans les parties les plus basses des lits desséchés, et de proche en proche dans toutes les dépressions, qui furent ainsi successivement comblées. La plupart des témoins de la présence de la mer furent donc enfouis dans le fond vaseux des chotts, et il est fort probable qu’on les retrouverait en grand nombre, si l’on y faisait des fouilles assez profondes. Si quelques-uns de ces témoins restèrent sur le littoral, ce durent être nécessairement ceux qui, placés sur les lignes de séparation des eaux, purent échapper à l’action des torrens ; mais l’on sait que le vent amoncelle les sables qu’il transporte ou qu’il balaie sur tous les obstacles qu’il rencontre. Il est donc naturel de supposer que cette action des vents, persistant pendant vingt siècles, a dû entasser une épaisse couche de sables sur la plupart de ces vestiges, placés sur les lignes de séparation des eaux et par conséquent sur les parties saillantes du terrain. Peut-être en retrouverait-on encore quelques-uns à la surface du sol, mais ils doivent être excessivement rares, et il n’est pas étonnant qu’on n’en ait pas découvert dans les quelques explorations rapides qui ont été faites jusqu’à ce jour dans le bassin des chotts.


III. — LONGUEUR DU CANAL A CREUSER. — PROJET DE NIVELLEMENT DU BASSIN DES CHOTTS. — RIVAGE PROBABLE DE LA NOUVELLE MER.

M. le capitaine d’état-major Pricot de Sainte-Marie, qui était en mission en Tunisie en 1845, a fait la route du chott El-Djerid à Gabès par Bordj-el-Hamma. Il a relaté avec beaucoup de soin toutes les particularités de l’itinéraire, montées, descentes, changemens de direction, dans un registre qui se trouve aux archives du dépôt