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placées pour se trouver sur la courbe zéro. Un second observateur, muni d’une boussole à éclimètre et à stadia, se placerait successivement à chaque mire d’arrière et viserait la mire d’avant afin de relever la direction et la longueur de chacun des côtés du polygone parcouru. Il recouperait tous les points importans, mouvemens de terrain, oasis, etc., et en prendrait les distances zénithales. Le troisième observateur dessinerait les mouvemens de terrain, le bord des lacs, les contours des oasis, les chemins. Tous ces documens, coordonnés jour par jour, permettraient au chef de l’expédition de dresser une carte complète de la région des chotts, où seraient tracés le rivage de la mer à créer, le rivage actuel des chotts, la position des oasis voisines, les chemins importans. Pour les oasis qui pourraient se trouver au-dessous du niveau de la mer, un tableau statistique spécial indiquerait le nombre des habitans, le nombre des palmiers, l’étendue des jardins. Par les distances zénithales, on connaîtrait les points saillans qui, placés dans la zone inondable, seraient destinés à former des îles, et, si ces points étaient habités, un nivellement- spécial en donnerait le périmètre. Il serait également fait de temps en temps, toutes les fois que cela paraîtrait utile, un cheminement direct vers le lit des chotts, afin d’avoir la profondeur exacte de la mer future. Parvenus à l’extrémité orientale du chott El-Djerid, les observateurs se dirigeraient sur le golfe par la dépression qui aboutit à l’embouchure de l’Oued-Akareit. Ce cheminement, en arrivant au bord de la mer, fournirait d’abord une vérification indispensable à l’ensemble des opérations ; il permettrait en second lieu de construire le profil du terrain compris entre la courbe zéro et le golfe de Gabès.

Il y a environ 80 lieues en ligne droite de Chegga au golfe. Avec les détours qu’il serait obligé de faire, chaque groupe aurait environ 100 lieues à parcourir ; à 1 lieue par jour, cela ferait cent jours. Ce grand travail de nivellement s’accomplirait donc en un seul hiver. En y employant des officiers et des soldats, auxquels il suffirait de donner une indemnité pour couvrir, leurs frais exceptionnels, on ne dépasserait pas une dizaine de mille francs, et l’on peut dire qu’en ne considérant même que l’intérêt scientifique de la question, cette dépense serait insignifiante en comparaison du résultat obtenu. On connaîtrait alors exactement le rivage et la profondeur de la mer à créer, le nombre et l’importance des oasis à exproprier, le profil et la nature du terrain où le canal devrait être creusé. Avec ces données, on pourrait calculer la largeur et la profondeur du canal, et par conséquent le nombre de mètres cubes de terres à déplacer pour percer l’isthme de Gabès. On pourra même désigner à l’avance l’emplacement des ports futurs. La question se poserait alors avec une grande netteté. Il n’y aurait plus qu’à