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Carthaginois possédaient sur ce littoral semble prouver au contraire que la Syrte offrait de grandes facilités au commerce. Ils y naviguaient en toute sécurité, tandis que les navires étrangers, qui ne connaissaient ni le chemin à suivre pour éviter les bas-fonds, ni les heures des marées, n’osaient s’y aventurer que fort rarement.

Aujourd’hui il n’y a pas un seul port sur la côte du golfe de Gabès, dont les parages sont beaucoup moins fréquentés que du temps des Grecs et des Romains. Il n’y a qu’un seul mouillage près de Sphax, à l’ouest des îles Karkenah ; mais les navires doivent jeter l’ancre à une assez grande distance du littoral, qui est encombré par les sables. Il n’existe qu’une carte marine du golfe ; c’est une carte anglaise, d’après laquelle les plus grands vaisseaux peuvent y naviguer. Entre les îles Karkenah et Djerba, les sondes varient de 20 à 30 brasses[1] ; elles diminuent successivement en approchant de la côte, et se réduisent à 4 brasses en arrivant près de l’embouchure de l’Oued-Akareit. On trouve alors un petit cordon de sables qui longe le littoral, et les sondes ne sont plus que de 2 brasses. Toutes ces sondes correspondent aux basses mers de vive eau. A la marée montante, les eaux doivent s’élever d’au moins 2 mètres vers l’embouchure de l’Oued-Akareit. Dans l’état des choses, les petits bateaux de commerce pourraient y pénétrer, comme ils pénètrent dans l’Oued-Gabès ; mais, lorsque la mer se précipitera dans le canal pour aller remplir le bassin des chotts, elle balaiera les sables déposés près du rivage. L’entrée du canal deviendra ainsi accessible à tous les navires, qui iront facilement le prendre lorsque des feux seront établis sur les îles Karkenah et Djerba. L’approche de ces îles n’offre d’ailleurs aucun danger sérieux ; longtemps avant d’y arriver en effet, on trouve des bancs de vase où le mouillage est excellent même par les plus forts coups de vent. Partout la sonde indique admirablement le fond. On s’étonnerait après cela que les anciens aient représenté la navigation comme si difficile dans la Petite-Syrte, s’il n’y avait pas lieu de supposer que les vagues de la mer, en rejetant constamment sur le littoral les vases et les sables qu’elles enlevaient aux bas-fonds du golfe, ont fini par en augmenter la profondeur. Le golfe de Gabès étant complètement dépourvu de ports, on comprendra que la nouvelle mer rendrait de grands services à la navigation en offrant aux vaisseaux un abri certain contre les vents de nord-est et de sud-est, très violens dans ces parages.

Après avoir creusé un canal de communication, il y aurait encore des précautions à prendre pour éviter l’ensablement. Sans parler du dragage, dont on aura toujours la ressource, on pourra arrêter

  1. Brasses anglaises ou fathoms de 1m,83.