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opinions quand il a fait connaître la sienne ! Cette opinion devient impérieuse dès qu’elle est dominante : son universalité fait sa force. Alors même elle change de nom et devient nécessité[1]. »

Dans toutes ces paroles empreintes d’un sentiment si vif de la réalité, d’un bon sens si vigoureux, d’un respect si profond pour l’opinion de la France, éclate un des traits les plus saillans de la politique de Casimir Perier. Il pénétrait ainsi de plus en plus dans la confiance du pays, réprimant tous les désordres avec une indomptable énergie, mais en même temps pacifiant et rapprochant les esprits par une politique confiante, sincèrement libérale, amie du droit commun, et invinciblement opposée à toute loi de circonstance et d’exception. — Et cependant que de difficultés accumulées sur ses pas ! que de difficultés plus gravés encore que celles qui avaient précédé et rendu nécessaire la mission dont l’investit la confiance du roi ! Ce ne sont plus seulement des agitations incessantes dans les rues et sur les places publiques, dues à une effervescence générale, conséquence inévitable d’une révolution récente, effervescence désordonnée et sans direction. Maintenant ce sont des sociétés secrètes, fortement et systématiquement organisées, qui préparent la guerre civile, et où se font entendre les premiers et sinistres appels au régicide ; ce sont des collisions à main armée et de véritables insurrections. Le ministère de Casimir Perier eut à subir plus de quatre-vingts procès de presse imposés par des appels incessans à la révolte contre les lois, plus de quarante journées de désordres publics et d’émeutes, les tentatives de six complots des factions légitimiste, républicaine, bonapartiste, séparées ou réunies, et trois insurrections, dont l’une, celle de Lyon, laissa plusieurs jours cette grande cité au pouvoir des insurgés ; mais tous ces efforts vinrent se briser contre la résistance toute légale de Casimir Perier, qui tout en luttant énergiquement chaque jour par la force contre le désordre matériel, avec les armes du droit contre le désordre moral, restait invariablement fidèle aux inspirations de la politique du roi Louis-Philippe et à son programme si hardiment libéral du 13 mars 1831. C’est à l’emploi simultané d’une force toujours prête à la lutte sans jamais la provoquer et des principes de ce programme loyalement suivi que Casimir Perier a dû le succès de sa politique et la gloire si pure qui s’est attachée à son nom.

Pour rendre à la mémoire de Casimir Perier un dernier hommage vraiment digne de lui, recueillons dans l’histoire des temps si troublés des trois premières années de la monarchie de 1830 quelques-unes des maximes qu’il y a déposées, comme les traces

  1. Séance de la chambre des pairs du 26 décembre 1831.