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populaires. M. Peyrat signale avec raison l’espèce de dérivatif que le mysticisme de Jean d’Oliva, de Joachim de Flore, et d’une partie ardente de l’ordre des franciscains, les fratricelles, ouvrit à ce qu’il y avait de plus vivace, de plus moderne, dans la tendance cathare. Le « règne de l’Esprit, » annoncé par l’Evangile éternel, comme devant mettre un terme à celui du Fils et de l’église papale, ressemblait beaucoup à l’idéal que les docteurs du catharisme présentaient comme la félicité suprême réservée à l’humanité purifiée. L’antipathie albigeoise contre la hiérarchie romaine y trouvait aussi son compte. Au milieu de ces sombres annales, on distingue une figure intéressante et peu connue, celle du moine franciscain Delicios, à qui peu de chose manqua pour être le Savonarole de Toulouse, et qui travailla de son mieux à pacifier les esprits, à répandre les idées de tolérance et à sauver les franchises méridionales de la double étreinte de la royauté et du saint-siège. Après quelques succès relatifs, il échoua, et dans sa vieillesse il paya de sa liberté ses généreux efforts. Du reste il ne vécut que peu de mois dans son cachot.

Le catharisme se traîna donc de bûcher en bûcher jusque vers le milieu du XIVe siècle. Depuis lors ce sont plutôt des vaudois et des sorciers que l’inquisition incarcère ou fait brûler, et il est difficile de démêler les lambeaux de tradition albigeoise qui s’attachent parfois aux hallucinations des malheureux condamnés pour avoir rendu un culte au diable. Il est toutefois encore un sombre drame dont la grotte d’Ornolac ou de Lombrives fut le théâtre ; il doit clore cette funèbre histoire.

On se rappelle que dans cette grotte avait été en grande partie déposé le trésor de Montségur. Ce fut une des principales ressources qui permirent à la société cathare de prolonger son existence. Peu à peu cette caverne, aux dimensions fantastiques, était devenue un refuge de faidits. Un évêque cathare habitait dans les profondeurs de la grotte, et cinq ou six cents montagnards s’étaient établis aux alentours. Vers 1328, l’inquisition voulut détruire ce repaire d’hérétiques, dont l’importance lui avait été signalée par de récens procès. La caverne, qui doit avoir servi de lit à un torrent souterrain, a plus d’une lieue de profondeur, et elle est double, c’est-à-dire qu’après avoir parcouru un corridor d’un quart de lieue on se trouve au pied d’une galerie supérieure trois fois plus profonde et plus vaste. On parvient à ce second étage en gravissant un escarpement de 80 pieds coupé de fissures que l’on franchit au moyen d’échelles. Ceux qui, réfugiés dans la grotte d’en haut, retirent après eux les échelles peuvent se croire inexpugnables. Les soldats envoyés pour surprendre les faidits commencèrent par faire évacuer quelques autres cavernes moins importantes qui formaient comme des succursales de celle d’Ornolac, et ils manœuvrèrent de façon à forcer les