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l’impératrice Marie-Thérèse ; Mme Elisabeth met tout son espoir en Choiseul. Les négociations furent longues et laborieuses. Enfin, le 30 avril 1750, elle s’écrie : « Juge de ma joie de la tienne, mon cher, car je ne saurais te la mieux exprimer. C’est un grand bonheur pour nous que l’établissement de notre fille, et surtout celui-là… L’impératrice est charmante. » Le mariage est arrêté ; Marie-Thérèse exige encore le secret. Ce n’est que le 13 août 1759 qu’il est question des lettres de l’empereur et de l’impératrice demandant officiellement à Louis XV sa petite-fille pour l’archiduc Joseph. L’époque n’était pas encore fixée ; l’infante va en écrire à sa fille. « M. de Stahrenberg au sortir de chez le roi étant venu chez moi, et ayant dit lui-même publiquement cette affaire, il serait de mauvaise grâce de le cacher à notre fille, outre que l’on paraît désirer qu’elle apprenne l’allemand. » Puis elle s’occupe de la parure de la fiancée, des perles et des diamans que son enfant portera le jour de son mariage. L’écrin n’était pas des plus brillans ; mais Madame Elisabeth était de trop bonne maison pour cacher sa pauvreté. Elle ne veut pas qu’à cette occasion don Philippe, toujours magnifique, fasse montre d’une opulence qui n’en imposerait à personne. « Quant à ma fille, on n’ignore pas notre situation. La France donne trop à l’impératrice pour qu’elle puisse exiger des chiffons. Qu’elle soit honnêtement ; voilà, je crois, ce qu’il faut, et le comte de Choiseul saurait bien empêcher qu’ils y trouvent à redire… Il faut penser à nous, non aux Autrichiens, à qui reviendrait tout le faste et la fumée. Elle (l’impératrice) a dit elle-même au comte de Choiseul qu’il n’y avait que les petits princes qui dussent s’occuper des ostentations ; elle ne pourra donc pas blâmer que, nous conduisant suivant elle et notre naissance, nous ne nous ruinions pas en pompons. »

Cette lettre est du 5 novembre 1759. L’activité, la puissance de travail de l’infante ne faiblissait pas. Mal servie par le roi et par les ministres, déçue dans tous ses projets d’échange du duché de Parme contre la Toscane ou quelque établissement en Flandre, en Lorraine, etc., elle songeait maintenant à la Corse. « Notre état ici est affreux ! » écrit-elle. Elle ne manquait ni de courage ni de volonté, mais elle sentait que sous elle quelque chose se dérobait, qu’elle avait beau lutter et se débattre, qu’après tant d’efforts elle retomberait brisée au fond du « gouffre, » comme elle appelait son duché. Peut-être eut-elle à cette époque, dans une heure de désespoir, quelque pressentiment de sa fin. C’est certainement alors qu’elle rédigea et écrivit de sa main quelques pages touchantes qu’on lit dans le manuscrit de la Bibliothèque nationale, sorte d’enseignement de la duchesse de Parme à son fils Ferdinand. Voici les premiers mots de ce document : « La vie est incertaine, mon fils, et mon caractère trop sincère pour me vanter ou affecter même une parfaite