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Quelques jours après, le 1er décembre 1790, la contribution foncière était établie, et le montant fixé pour la première année à 300 millions, y compris 5 sols additionnels pour livre. C’était une somme considérable à cette époque, et l’on manquait d’élémens pour la répartition. L’assemblée ne connaissait ni l’étendue superficielle des départemens, ni le nombre des maisons, ni l’importance de chaque culture. Force était d’adopter une base d’assiette, quelle qu’elle fût. Le comité des finances de l’assemblée constituante fit, avec les moyens imparfaits dont il disposait, le relevé de la part d’impôts de toute nature payés par chaque localité, et la contribution foncière fut répartie entre les départemens au marc la livre des anciennes impositions. Cette première répartition se trouva de la sorte entachée d’une partie des inégalités qui affectaient les anciens impôts, et ces inégalités, on le sait, étaient considérables. La répartition individuelle de l’impôt foncier ne fut pas établie sur des données plus équitables que celles adoptées pour fixer les contingens départementaux. On s’en rapporta pour la contenance des parcelles, la nature des cultures, les revenus des terres, aux déclarations des propriétaires.

Profondément défectueuse à tous les degrés, l’assiette de l’impôt foncier souleva dès les premiers mois de 1791 de vives réclamations. Un grand nombre de municipalités, opposant une résistance d’inertie aux vices de la répartition, ne procédèrent pas à l’établissement des rôles. Celles qui se soumirent dissimulèrent une partie de leurs territoires et de leurs revenus. La contribution foncière, dès le déchut, rentra difficilement. Il fallait remédier au mal. L’assemblée reculait encore devant la grosse difficulté du cadastre ; hésitant à l’aborder de front, elle tenta de la tourner : dans un décret en date du 28 août 1791, destiné à régler la procédure des demandes en décharge, une disposition en quelque sorte incidente fut insérée, autorisant les communes à faire cadastrer à leurs frais leurs territoires. Sans adopter aucune mesure générale, aucun plan, on paraissait se flatter que les conseils municipaux prendraient l’initiative d’une opération que l’état n’osait encore entreprendre. On semait un germe dont on espérait voir naître un travail d’ensemble, embrassant toute la surface du territoire.

Les espérances de l’assemblée devaient être déçues. Peu de communes profitèrent de la faculté qui leur était accordée ; cette indifférence fut encore favorisée par l’incroyable désordre qui ne tarda pas à se produire dans les finances publiques. Malgré son chiffre élevé, la contribution foncière devint bientôt, pour la propriété, une charge à peu près fictive. Le paiement en nature, admis par décret du 2 thermidor an III, donna lieu à des abus scandaleux, et la dépréciation du papier-monnaie devint telle que les versemens