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Abandonné dans les projets de loi de 1837 et de 1846, le principe de la fixité des évaluations se trouvait ainsi confirmé par la jurisprudence. Dès lors il n’était plus permis aux conseils municipaux d’entreprendre de nouvelles révisions ; on était engagé dans une impasse dont il fallait sortir. Dans le projet de budget de 1851, le ministre proposa une disposition portant que, dans toute commune cadastrée depuis trente ans au moins, il pourrait être procédé au renouvellement des opérations, sur la demande soit du conseil-général, soit du conseil municipal, à la charge pour le département ou la commune de pourvoir aux frais de l’entreprise. Ce projet ne fut pas accueilli favorablement dans la commission du budget ; on reconnut avec le ministre que l’intervention du législateur était nécessaire ; mais beaucoup de membres critiquèrent les procédés employés jusque-là et voulurent qu’on profitât de l’expérience acquise pour en adopter de nouveaux.

Sans repousser néanmoins le projet du ministre, l’assemblée législative s’efforça de restreindre la faculté que ce projet accordait aux conseils locaux ; elle décida que, seuls et à l’exclusion des conseils-généraux, les conseils municipaux pourraient prendre l’initiative d’une refonte cadastrale dont la charge dans tous les cas pèserait tout entière sur les communes. A la séance publique du 4 août 1850, le rapporteur de la commission du budget, M. Gouin, ne dissimulait pas la pensée qui avait inspiré cette décision. « C’est avec intention, disait-il, que nous n’étendons pas plus loin cette faculté, car la commission croit qu’il est indispensable que le gouvernement s’occupe le plus tôt possible de la loi qui doit régulariser enfin le travail du cadastre. » — Les souhaits qu’exprimait en 1850 la commission du budget n’ont pas été réalisés. Depuis 1846, aucun plan de réforme cadastrale n’a été présenté à nos assemblées. Des opérations isolées ont été faites, un certain nombre de communes ont révisé leur cadastre, mais aucune mesure générale n’a été proposée par l’administration.

Quels sont les enseignemens qui ressortent de ce rapide exposé ? Après bien des hésitations, bien des tâtonnemens, bien des tentatives, on se résigne en 1808 à entreprendre le cadastre parcellaire ; à deux reprises, l’administration essaie d’utiliser pour la péréquation de l’impôt les premiers résultats obtenus ; elle l’essaie sans succès. L’œuvre est à peine terminée sur un tiers du territoire, et l’on s’aperçoit qu’elle est défectueuse et caduque ; on cherche à la consolider, à la reprendre, les commissions succèdent aux commissions, les projets aux projets, des brochures, des mémoires, des écrits de toute sorte sont publiés par centaines, — vains efforts ! Le cadastre ne peut être amélioré, il est à refaire.

C’est légitimement, on le voit, que les adversaires d’une