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ressources certaines, et probablement avant peu le budget pourrait, sans surcharger la terre, lui demander de nouveaux subsides. C’est là, nous le savons, un point vivement contesté : beaucoup de financiers attendent de la réforme cadastrale un produit considérable ; des agronomes, des statisticiens distingués ont affirmé par contre que ce produit serait insignifiant, peut-être nul ; bornons-nous à rappeler quelques chiffres puisés à des sources officielles et dont l’enseignement ne paraît pas douteux.

L’impôt foncier, principal et centimes, se montait à l’origine à 300 millions. Eu égard à la dépréciation du numéraire depuis quatre-vingts ans, 300 millions en 1790 représenteraient aujourd’hui, nul ne le conteste, une somme à peu près double. Les statistiques contemporaines évaluant le revenu de la France en 1790 à 1,200 ou 1,300 millions, l’impôt foncier représentait à cette époque environ 23 pour 100. D’après les recherches de l’administration, le revenu net de la propriété était en 1851 de 2 milliards 633 millions : en 1862, il atteignait 3 milliards 216 millions, et il n’est pas déraisonnable de croire, ainsi que l’affirment beaucoup d’économistes, que ce revenu est aujourd’hui de plus de 4 milliards. La contribution foncière est actuellement en principal de 170 millions ; les centimes additionnels, dont le nombre varie dans chaque localité suivant le vote des communes et des départemens, se montaient en 1864 à 185 millions, et ce chiffre est aujourd’hui peu éloigné de la vérité. L’impôt foncier ne s’est donc pas accru à beaucoup près dans la même proportion que le revenu sur lequel il est assis.

La terre, il est vrai, supporte indirectement d’autres taxes ; les prestations en nature, l’impôt des portes et fenêtres, l’impôt mobilier lui-même, sont des charges qui dans une large mesure atteignent les revenus fonciers, et ces charges sont presque toutes plus lourdes que jadis ; l’augmentation constante des contributions indirectes, d’autre part, ne peut avoir été sans influence sur le produit de la terre. Ce sont là des vérités incontestables, mais il ne faut pas en exagérer les conséquences. L’incidence de l’impôt est un problème obscur qui laisse le champ ouvert à toutes les suppositions, et chacun peut à son gré faire jouer les chiffres suivant les besoins de sa cause ; de quelque façon qu’on s’efforce de les grouper, il est un fait qui domine tous les calculs, un fait peu connu et qu’on ne saurait trop rappeler. Depuis le commencement du siècle, les revenus fonciers se sont accrus, d’après des documens méritant toute confiance, dans la proportion du simple au triple ; l’impôt foncier au contraire a augmenté dans une proportion comparativement insignifiante. Depuis qu’il a été créé, il a toujours tendu à diminuer relativement au revenu net, et il est aujourd’hui infiniment moins lourd qu’il n’a jamais été pendant la première moitié du siècle.