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II. — L’ARMEE AMERICAINE PARMI LES INDIENS.

La guerre du Mexique fut la seule époque brillante pour l’armée américaine depuis sa formation définitive en 1815 jusqu’à l’explosion de la guerre civile en 1861; mais le reste de cette longue période ne fut pas pour elle un temps de paix et de repos, car il se passa en luttes incessantes avec les descendans des anciens possesseurs de l’Amérique.

Lorsque cette armée fut chargée de protéger les frontières des états nouvellement colonisés, les Indiens établis à l’est du Mississipi n’avaient pas encore été refoulés dans le far-west ou absorbés politiquement par la race blanche; mais celle-ci les enveloppait déjà, les étouffait dans d’étroites frontières, et, à mesure que sa colonisation s’étendait, elle les dépouillait successivement de leurs domaines et les transportait, moitié de gré, moitié de force, dans quelque district encore trop éloigné pour qu’elle pût le leur envier, où un nouveau lieu d’exil leur était assigné sous le nom de Réserve indienne.

La race aborigène, qui se soumettait souvent à ces tristes migrations avec l’indifférence du fatalisme, résistait parfois aussi avec toute l’énergie du désespoir aux conquérans qui les lui imposaient. Lorsque la lutte entre le pionnier abusant de la supériorité de son intelligence et le sauvage cherchant dans la ruse un secours pour sa faiblesse venait à s’envenimer, la petite armée américaine, appelée par les colons ou par les agens fédéraux, se trouvait engagée dans une guerre meurtrière, pénible et obscure. Elle avait parfois à livrer des combats importans par le chiffre des pertes qu’elle y faisait : ainsi en 1814, sur les rives encore désertes du Tallapoosa, eut lieu une rencontre où la cavalerie américaine perdit plus de deux cents hommes et où la tribu des Creeks, vaincue après une lutte acharnée, laissa plus de mille guerriers sur le champ de bataille.

La tribu qui résista le plus longtemps fut celle des Séminoles, nation jadis puissante, toujours fière et belliqueuse, repoussée peu à peu par les blancs dans les terres basses qui au sud-ouest du continent forment la péninsule de Floride. Là, sous un soleil tropical et dans des fourrés impénétrables, deux ennemis également invisibles et implacables, la fièvre et l’Indien, attendaient le soldat américain, qui, pliant sous le poids de ses armes et de ses vivres, avait épuisé toutes ses forces à lutter contre les obstacles de la nature. La guerre de Floride, souvent rallumée après des pacifications trompeuses, fut longue et cruelle. Les Indiens, exaspérés par de coupables manques de foi, ne faisaient aucun quartier. Réduits en