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dans un désert stérile; mais presque tous trouvaient l’occasion de faire faire quelques progrès à l’étude des contrées nouvelles qui leur étaient livrées.

Ils avaient cependant d’autres devoirs à remplir que ces pacifiques travaux. Les Indiens de l’ouest, quoiqu’ils ne fussent pas acculés comme les Séminoles dans une impasse et obligés de combattre ou de se rendre, ne reculaient pas sans résistance devant le flot sans reflux de la race blanche. L’étendue de leur territoire, qui leur permettait de refuser ou d’accepter la lutte et de choisir toujours le moment et le lieu favorables pour l’attaque, les rendait bien plus difficiles à vaincre. Par une sage précaution contre les violences locales, toutes les relations avec ces Indiens étaient confiées au président, qui s’intitulait lui-même leur puissant père de Washington, et les contrées qu’ils habitaient, n’appartenant à aucun état, dépendaient directement de son gouvernement. Ces relations étaient partagées entre les agens indiens, employés civils, chargés de toute la partie fiscale, distribution des terres et levée de tributs, et l’armée qui, gardienne de l’ordre public, usait, pour le maintenir, à la fois de la diplomatie et de la force des armes.

Son rôle était difficile, car elle était placée entre la civilisation nouvelle, représentée par le squatter, qui prétend exercer le droit de premier occupant sur toutes les terres où il ne trouve que des Peaux-Rouges, par le marchand de spiritueux, qui va porter jusque sous le wigwam son funeste poison, et la tribu indienne, qui a besoin pour son existence d’espaces immenses et incultes et d’une indépendance incompatible avec un état social perfectionné. Quoique les Américains aient été accusés de détruire systématiquement la race indienne, leur armée prit au contraire souvent la défense de cette population malheureuse contre le contact destructeur du blanc. Elle s’efforçait de ménager pour elle la transition aux mœurs civilisées, mais elle ne songeait pas à perpétuer pour cela l’organisation grossière de la tribu : elle travaillait au contraire à détruire cette institution, opposée à tout progrès, en favorisant les individus qui renonçaient à leur vie errante. La tribu indienne ressemble beaucoup à la tribu arabe, mais plutôt à la tribu, nomade comme au temps d’Abraham, qui habite les déserts d’Afrique et de Syrie, qu’à celle que nous avons trouvée dans le Tell d’Algérie, possédant déjà un sol limité dont elle cultive quelques parties. Cette dernière, quoiqu’elle représente un état social plus avancé, ou plutôt à cause de cela, est bien plus rebelle à la civilisation moderne : elle est fondée en effet à la fois sur une religion exclusive et politique et sur un système territorial qui admet la propriété collective. La religion de l’Indien, ainsi que celle du Bédouin, est au contraire