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les illustres proscrits se trouvaient momentanément privés de ressources, je reçus de lui la lettre suivante. Bien qu’elle fût, à son origine, essentiellement confidentielle, je ne crains plus, après tant d’années, d’évoquer cette preuve d’une bien généreuse sollicitude[1].


(Traduction.) « Drayton Manor, Fazeley, le 20 avril 1848.
(Très particulière.)

« Mon cher comte de Jarnac, j’ai eu mardi dernier une conversation avec lord Aberdeen, après mon retour de Claremont, dans le courant de laquelle il a fait allusion à certaines circonstances qui ont confirmé mes appréhensions antérieures qu’en conséquence de la spoliation infâme dont les propriétés royales en France ont été l’objet, le roi et la reine des Français souffrent des privations auxquelles il est extrêmement douloureux de songer. Je n’aurais pu croire d’après aucune autorité ordinaire à quelques détails que lord Aberdeen a mentionnés par rapport à la reine, et comment elle a dû se défaire d’une portion du peu d’objets dont elle conserve encore la possession.

« Pour le soulagement de mes propres sentimens, qui ont été profondément atteints, je vous écris en ce moment. Aucun être humain ne sait ou ne saura jamais que je me suis adressé à vous. Je vous conjure de me permettre d’envoyer chez votre banquier, pour être placée à votre crédit, la somme de 1,000 livres sterling (25,000 francs).

« Vous pourrez chercher quelque moyen selon lequel elle pourra être consacrée à l’objet convenu sans exciter le moindre soupçon de la part du roi ou de la reine. Ne faites jamais dorénavant aucune allusion à ce sujet avec moi, et vous pouvez compter sur un silence absolu de ma part, aujourd’hui et pour toujours.

« Croyez-moi, mon cher comte de Jarnac, très fidèlement à vous,

« ROBERT PEEL. »

  1. Il n’est pas sans intérêt de rappeler que, dans les premiers jours qui suivirent la catastrophe, j’avais reçu de lord Palmerston une proposition correspondante dans les mêmes circonstances et pour une somme équivalente. Je trouve dans mes papiers la lettre suivante, faisant allusion à cette offre, qui est d’autant plus honorable pour sa mémoire qu’il n’a jamais professé, soit pour la France, soit pour notre famille royale, les sentimens qui animaient si profondément sir Robert Peel et lord Aberdeen.
    (Traduction.) « Foreign office, le 2 mars 1848.
    « Mon cher Jarnac, veuillez vous rappeler que l’offre faite par moi hier est une affaire strictement confidentielle et qui doit rester entièrement entre vous et moi. Quand vous me direz que ce que j’ai proposé sera utile, ce sera fait.
    « Sincèrement à vous, « Palmerston. »
    Je n’ai point à le dire, je n’eus à me prévaloir ni de l’une ni de l’autre de ces propositions, tout en exprimant ma vive appréciation du sentiment qui les avait inspirées.