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toute réserve métallique? Cette opinion se trouve singulièrement fortifiée par ce qui vient de se passer en France. Voyons donc ce que signifie l’exemple de notre pays.

Au moment de la déclaration de la guerre au mois de juillet 1870, l’encaisse métallique de la Banque de France était de 1,145 millions, et la circulation fiduciaire de 1,255; trois semaines après, au 10 août, sous l’influence des premiers événemens, qui nous furent défavorables, la circulation s’était élevée à 1,500 millions, et l’encaisse avait baissé au-dessous de 1 milliard. Il n’y avait encore rien de fâcheux dans cette situation; mais, comme on prévoyait de grands besoins et que les demandes de remboursement affluaient déjà à la Banque de France, on décréta le cours forcé en limitant l’émission à 1,800 millions. Cette limite fut bientôt étendue et portée par le gouvernement de la défense nationale à 2 milliards 400 millions. On en était là lorsque la France reprit possession d’elle-même après les terribles événemens de la commune. Le premier bilan qui fut publié au mois de juin 1871 accusa une circulation de 2 milliards 212 millions et une encaisse de 549 millions; le change sur Londres était alors de 25, 35 et 40 centimes. On contracta un emprunt de 2 milliards pour commencer les paiemens de l’indemnité prussienne, le change sur l’Angleterre monta bientôt à 25,75 et 25,80; il toucha 26 francs au 3 novembre de la même année, et il était de 216 sur la Hollande, de 383 sur Berlin, ce qui indiquait une perte variant entre 3 et 5 pour 100. Quant à la dépréciation du papier-monnaie, elle fut marquée par la prime dont jouissait l’or, et qui était de 2 1/2 pour 100; quelle pouvait en être la raison?

D’abord, lorsque commencèrent nos paiemens à la Prusse, la France n’avait pas eu le temps de rétablir sa situation commerciale. Elle manquait de tout, elle avait à faire venir du dehors des matières premières et des approvisionnemens de toute nature; c’était la condition indispensable de la reprise du travail, mais il fallait solder ces acquisitions, et au lieu d’avoir, comme d’habitude, la balance du commerce favorable, notre pays se trouvait encore débiteur de ce chef. De plus le gouvernement, encore inexpérimenté sur les moyens de s’acquitter envers la Prusse et ne sachant trop sur quelles ressources compter, avait mis beaucoup de hâte à se procurer les traites disponibles sur l’étranger; il fit concurrence au commerce par ses besoins exceptionnels, et le change s’éleva tout à coup à un taux inusité. Ajoutez enfin que la spéculation qui se produisit à la suite du premier emprunt de 2 milliards, et qui en fit monter rapidement les cours à 88 et à 90 francs, nous fut encore très préjudiciable. Elle nous priva du concours des capitalistes étrangers qui avaient bien voulu prendre part à cet emprunt. Ceux-ci, séduits par l’appât d’une prime aussi immédiate, s’empressèrent