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richesse d’un pays ; seulement, comme ils transportent la plupart des marchandises, les mettent à la disposition des consommateurs, s’ils ne sont pas assez nombreux ni assez étendus pour rendre les services qu’on attend d’eux, les marchandises reviennent plus cher. L’année dernière, le capital a été très cher en Angleterre, parce que les espèces métalliques étaient devenues assez rares; cependant la Grande-Bretagne n’avait pas fait de spéculations excessives : elle avait réalisé ses économies ordinaires, la tendance aurait dû être plutôt vers le bon marché des capitaux; mais elle éprouvait le contre-coup du paiement de notre indemnité et des difficultés qui existaient ailleurs, elle était obligée de fournir du numéraire à ceux qui en manquaient, à l’Allemagne d’abord, ensuite à l’Amérique, qui subissait une crise. Et comme elle se trouvait embarrassée pour répondre à toutes ces demandes et que son stock métallique diminuait sensiblement, le prix du capital s’en ressentit, et les affaires devinrent difficiles. Il faut donc avoir tout le numéraire nécessaire pour que le mouvement commercial s’opère dans des conditions régulières; il n’en faut pas non plus avoir trop, car il se déprécie, comme toute marchandise qui excède les besoins. Qu’arriverait-il, si nous continuions à maintenir les 2 milliards 1/2 de circulation fiduciaire après avoir repris les paiemens en espèces? Celles-ci s’en iraient tout naturellement, et nous nous trouverions avec un papier-monnaie qui n’aurait plus la base qu’il doit avoir. On en demanderait le remboursement, les réserves des banques s’épuiseraient, et il faudrait peut-être revenir de nouveau au cours forcé, mais on y reviendrait dans de plus mauvaises conditions qu’en 1848 et en 1870, avec le change défavorable. On émettrait alors du papier, non pas pour remplacer le numéraire qui se cache comme à ces deux époques, mais le numéraire qui s’en va, ce qui est bien différent.

Il est évident que le chiffre de 2 milliards 1/2 est appelé à baisser sensiblement. Il est difficile de dire à quelle limite il s’arrêtera. Cela dépendra de plusieurs choses, d’abord du genre de métal qui sera en circulation. Si c’est l’argent, comme c’est une monnaie incommode qui n’est plus en rapport avec les besoins nouveaux de la civilisation, on le déposera le plus possible dans les banques, et on le remplacera par des billets au porteur. Dans ce cas, ceux-ci pourront encore rester à un chiffre assez élevé. Si c’est l’or au contraire qui est l’agent monétaire, on aura moins besoin de papier, les petites coupures disparaîtront, et le chiffre total de la circulation fiduciaire se trouvera diminué sensiblement. L’étendue de cette circulation est encore subordonnée aux progrès qu’on fera en matière de crédit. On est toujours dans notre pays à peu près dans l’enfance pour l’usage des dépôts en comptes-courans,