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Nous n’insisterons pas davantage sur le siège de la lésion dans l’aphasie; c’est un sujet trop spécial pour être traité ici. A l’Académie de médecine, on a pu citer à peine quelques faits en contradiction avec la doctrine de M. Bouillaud. M. Bouillaud a proposé un prix de 500 francs pour celui qui montrerait un cas de destruction des lobes antérieurs du cerveau avec conservation de la parole, et ce prix n’a pas été décerné. Quelles que soient d’ailleurs les objections qu’on peut faire aux observations de M. Broca, il faut nous rappeler que nous connaissons à peine les lois qui régissent la constitution du cerveau, et que pour quelques exceptions nous ne devons pas rejeter une doctrine qui est en harmonie avec la plupart des faits connus.

Nous pouvons donc désormais regarder comme certain qu’il existe dans la partie corticale du cerveau une région nettement délimitée qui tient sous sa dépendance immédiate la faculté du langage; mais il faut chercher une explication simple qui rende compte de la diversité que nous avons observée dans les manifestations de cette faculté. Ici encore l’anatomie doit éclairer la physiologie, et il nous faut revenir aux notions sur la structure du système nerveux central. Nous savons que le siège de la pensée est dans les circonvolutions cérébrales, et spécialement dans la substance grise qui en forme la partie superficielle. De là, la pensée se transmettra à un appareil logopoiétique, localisé dans les circonvolutions antérieures de l’hémisphère gauche. Elle changera alors de caractère. Elle était confuse et vague, diffuse pour ainsi dire, et peut-être disséminée dans toute la périphérie du cerveau; dès qu’elle est parvenue dans la région limitée de l’encéphale où s’élabore le langage, elle devient précise et nette, elle se spécifie et se détermine, elle prend une forme et devient représentative. Ces deux manifestations de l’intelligence, Lordat les appelait avec raison logos, le mot de logos intérieur s’appliquant à la pensée indéterminée, tandis que le logos extérieur signifiait cette même pensée renfermée dans les bornes étroites d’un signe verbal caractéristique. Il faut bien le reconnaître, cette conception est une pure hypothèse; elle semble cependant avoir le caractère des seules hypothèses permises : elle est en accord avec les faits, et elle en donne une explication facile et synthétique.

Mais pour qu’une phrase pensée par nous parvienne à l’oreille de nos semblables, il faut une seconde série d’appareils dont la complexité n’est pas moins grande. C’est cette chaîne continue qui va de la périphérie des circonvolutions à la colonne grise centrale. L’influx nerveux va d’abord dans ces deux gros ganglions de substance grise qu’on appelle les corps striés et les couches optiques. Il est probable que ces organes transforment en mouvement volontaire