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l’Académie des Sciences, a porté devant le congrès de Florence la question de la nature des gonidies. Très décidé sur ce point que les gonidies sont des algues, il s’est montré plein de réserves et de doutes quant au parasitisme de l’hypha sur la gonidie : la vérité, c’est que le parasitisme lui-même comporte bien des nuances et des degrés, depuis la dépendance absolue du parasite complet, ne pouvant lui-même préparer sa subsistance et la prenant toute faite sur sa victime (orobanches, cuscutes, etc.), jusqu’à la demi-dépendance des espèces à feuilles vertes qui s’attachent par des ventouses aux racines d’autres plantes, mais qui puisent en partie dans le sol par d’autres racines sans ventouses les matériaux bruts de la sève qu’ils élaborent (osyris alba). Les réserves au sujet du rôle des hyphes et des gonidies des lichens sont donc permises tant que le dissentiment dure à cet égard entre des savans distingués. Ce qui semble en tout cas être hors de doute, c’est l’autonomie des gonidies, c’est-à-dire leur existence comme algues décrites et définies, pouvant vivre hors du lichen, mais aussi vivre dans l’intérieur de ce dernier. Ce fait est à lui seul une des plus curieuses surprises que la nature pût réserver à la sagacité des botanistes.

Dans l’intervalle des séances de discussion est intervenue comme une fête touchante l’inauguration du buste de marbre consacré à la mémoire d’un homme modeste et bon qui réunit en sa personne des qualités souvent séparées, celle du savant qui voit et travaille par lui-même, celle du Mécène qui consacre aux progrès d’une science aimée les avantages de la fortune, de l’indépendance et des nobles loisirs. Anglais de naissance, mais cosmopolite de goûts, Philippe Barker Webb donna les plus belles années de sa jeunesse à l’exploration botanique des contrées les plus curieuses du bassin de la Méditerranée, la Grèce, la Troade, l’Italie, l’Espagne, le Portugal; puis, dans un long séjour aux Canaries, il recueillit, de concert avec notre compatriote Sabin Berthelot, les élémens d’un grand et bel ouvrage, une histoire naturelle de ces îles, ouvrage dont la France eut la gloire d’aider la publication, comme elle l’avait fait jadis pour le voyage de Humboldt et Bonpland. Longtemps établi à Paris, où il mourut en 1854, Webb s’était fait un herbier et une bibliothèque botanique libéralement ouverts aux travailleurs. Son amabilité personnelle doublait le prix de ce bienfait. Il avait des encouragemens pour les novices, des attentions charmantes pour ses pairs, des protections efficaces pour les collectionneurs de plantes qui réclamaient l’appui de son crédit et de sa bourse. Son herbier, renfermant ceux de Labillardière et de Desfontaines, semblait avoir sa place en France. Il le légua à Florence, ainsi que ses livres, en y joignant une rente d’accroissement et d’entretien. Peut-être jugeait-il Paris assez riche, ou plutôt, séduit par ses souvenirs