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qu’une mince quantité de défenses d’éléphant; mais l’intérieur de l’Afrique, depuis le Nil-Blanc et le Nil-Bleu jusqu’à la région du Cap, est encore extrêmement riche en éléphans. En 1860, Livingstone en a vu plusieurs centaines en un seul jour dans la région du Zambèse.

On a rapproché la chasse à l’ivoire de la traite des esclaves. L’une comme l’autre en effet ne vit que par la dévastation, et les scènes de cruauté qui accompagnent en Afrique la chasse à l’éléphant ne le cèdent en rien aux barbares épisodes de la chasse à l’homme. Une partie de l’ivoire africain vient en Europe par Khartoum ; mais dans l’Afrique orientale Zanzibar est le principal marché pour la région comprise entre le 2e et le 10e degré de latitude sud. Une partie de ces défenses va à Bombay, l’autre va à Londres. L’exportation de Zanzibar se compose en moyenne de 20,000 défenses par an, ce qui, pour l’Afrique orientale au sud de l’équateur, représente 10,000 éléphans tués annuellement. Quelques-unes de ces défenses atteignent jusqu’à 8 et 10 pieds de longueur, et jusqu’à 120 livres de poids. Au marché de Zanzibar, il faut ajouter ce qu’exportent, mais en bien moins grande quantité, la côte occidentale, le Cap, le Haut-Nil et l’Abyssinie. C’est une des branches les plus actives du commerce africain ; quelques chiffres en diront l’importance. A Zanzibar en 1858, un lot de 47 défenses a atteint le prix de 1,500 livres sterling (37,500 francs). La Chine se procure son ivoire dans l’Inde et occasionnellement à Ceylan.

En Asie, la chasse à l’éléphant a un caractère moins barbare. Rarement cherche-t-on à le tuer pour l’ivoire de ses défenses, et encore le chasse-t-on avec des armes à feu. Un chasseur exercé tue l’éléphant d’une seule balle logée dans le front ou au-dessous de l’oreille; mais, dans le plus grand nombre des cas, on s’attache à le prendre vivant pour l’apprivoiser et le dresser à la vie domestique. Cet art, qui remonte à l’époque la plus ancienne, se pratique aujourd’hui sur une plus vaste échelle que jamais dans les possessions anglaises de l’Inde, à cause des services de tout genre que rend cet animal. Tant que les éléphans n’avaient d’autre rôle que de rehausser l’éclat des fêtes royales ou des processions religieuses, on se contentait de chasser des individus isolés. On les prenait soit en les faisant séduire par des femelles apprivoisées, soit grâce à l’agilité et à l’adresse d’hommes dont c’était la dangereuse profession. Deux hommes suffisaient à prendre un éléphant : tandis que l’un détournait son attention en l’irritant et en le provoquant, l’autre se glissait derrière l’animal et lui passait au pied un lien solide. Une fois ce lien passé autour d’un gros arbre, l’éléphant, devenu captif, était forcé de se rendre à discrétion et de se soumettre à ses nouveaux maîtres. Depuis que les Européens établis