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mérite pas ce nom, et c’est de la vanterie que de le lui donner, car elle est inférieure à la vitesse ordinaire des Anglais. En Angleterre, pour une distance d’environ 500 kilomètres, comme celle qui sépare Lyon de Paris, la livraison à domicile d’une marchandise partie dans l’après-midi se ferait le lendemain soir. Tel est le régime constant des chemins de fer anglais, le pain quotidien du commerce en Angleterre. En France,-par la grande vitesse, pour un même trajet, il faut trente-six ou quarante heures. Les ballots d’étoffes de coton apportés à la gare de Manchester à sept ou huit heures du soir sont le lendemain matin, de dix heures à midi, dans Londres, à la porte du commerçant de la Cité. Il y a 304 kilomètres. En France, par la petite vitesse, le trajet durerait quatre ou cinq jours et le transport coûterait tout autant. Pour nos villes du midi, le trajet des marchandises qu’elles ont à envoyer à Paris dure dix ou douze jours, ce qui fait manquer aux manufacturiers de ces contrées des marchés importans, par la raison qu’il leur est impossible de satisfaire l’acheteur, qui souvent veut être servi dans la quinzaine. Pour le commerce des fruits et des légumes, qui ne peuvent, sous peine de se gâter, demeurer longtemps en route, nos délais de la petite vitesse sont des obstacles absolus. Dès que la distance devient grande, impossible d’expédier ces articles par la petite vitesse, puisqu’ils n’arriveraient qu’avariés; impossible aussi dans la plupart des cas de se servir de la grande, à cause de la cherté. La conséquence forcée, c’est que le commerce ne se fait pas.

Si, sous la pression de la concurrence, ou par l’effort des règlemens administratifs ou législatifs, on introduisait en France le régime de la vitesse habituelle aux Anglais, il n’en faudrait pas davantage pour donner une nouvelle et forte impulsion aux affaires. Une grande quantité de transactions se feraient qui sont impraticables aujourd’hui. Ce serait pour les chemins de fer l’occasion de profits nouveaux, et aussi le moyen de diminuer leurs frais généraux, puisque, avec le même personnel et avec le même nombre de wagons, ils transporteraient une bien plus forte quantité de marchandises. Le rendement des impôts s’améliorerait notablement, car plus il y a de transactions dans le pays, plus le fisc reçoit : il est à côté de chacun de nous imperturbablement comme notre ombre, et il se fait payer un tribut à chacun de nos mouvemens.

La poste aux lettres a été rudement atteinte par l’impôt. Elle l’a été dans chacune de ses branches. Le port de la lettre circulant de bureau à bureau a été porté de 20 centimes à 25, dans la circonscription du même bureau de 10 à 15. Le poids de la lettre simple est resté de 10 grammes. Les imprimés de toute espèce, les avis du commerce, circulaires, prospectus, ont été bien plus maltraités que les lettres. Les épreuves d’imprimerie ont été l’objet d’une sévérité