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menacer un innocent petit chat. Il chasse l’animal à coups de pied. Aussitôt apparaissent quatre piqueurs qui lui demandent arrogamment de quel droit il ose frapper un chien qui appartient au prince Kudo. Ils reconnaissent en lui un serviteur de la famille Sôga, et l’insistance de leurs questions pour découvrir le lieu où se cachent les deux princes de cette maison prouve que Kudo est sur ses gardes. Ses gens ne veulent pas perdre une occasion de molester un ennemi de leur maître, et, tandis qu’Oniwo fait mille efforts pour contenir sa colère, non sans grimaces, et se réserver pour le grand jour de la vengeance, ils se mettent à le frapper; mais au même moment survient le jeune prince Inobumaro, le fils de Kudo, un charmant adolescent, qui seul, au milieu des passions sanguinaires déchaînées, fera entendre une parole attendrie. « Je suis chargé par mon père d’empêcher qu’on maltraite les voyageurs; laissez cet homme en paix. Si c’est un serviteur de Sôga, vous ne ferez qu’irriter ses maîtres contre mon père en le frappant. » Il emmène les piqueurs, qui s’inclinent devant la volonté du jeune homme. Dosa, qui rentre en ce moment, a compris tout ce qui vient de se passer. L’attitude de son frère Oniwo lui paraît des plus méprisables; sa fougue ne s’accommode pas de ces prudens ménagemens. « Il fallait dégainer, tuer ces hommes et leur jeune prince. — Et demain, qui nous eût vengés? » Le décor pivote sur lui-même et emporte les deux frères discutant encore.

Nous voici dans une gorge déserte aux environs d’Hakoné, au pied de l’idole gigantesque de Jizo. Des gens de mauvaise mine, des rabatteurs de gibier, se pressent autour d’un brasier en devisant sur la misère de leur condition quand paraît la belle Katakaë, sœur des princes Sôga et confidente de leurs projets. Elle et sa servante sont assaillies par ces hommes sinistres et menacées d’être enlevées. La servante s’enfuit en appelant au secours. Katakaë se prépare à se défendre (autrefois les femmes de la noblesse apprenaient l’escrime). Heureusement Oniwo arrive à son aide et met les brigands en fuite. Il lui raconte qu’il a obtenu un billet pour pénétrer dans le camp de chasse, et que tout semble promettre une prompte satisfaction aux mânes de Sôga. Décidément ce chemin est infesté; d’autres voleurs surviennent et sont encore repoussés. Dosa arrive à son tour, et, redoutant toujours que son frère ne soit pas prêt pour l’œuvre du lendemain, il veut le mettre à l’épreuve. Tous deux engagent une lutte d’escrime qui forme l’intermède chorégraphique indispensable dans chaque acte. Enfin les deux frères abaissent leurs bâtons en se félicitant réciproquement sur leur adresse et déclarant que des auxiliaires comme eux en valent mille pour les fils de Sôga. Une fois encore l’auteur tient à nous montrer combien la victime sera difficile à surprendre : deux de ses espions sont