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Et ce fer que mon bras ne peut pas soutenir,
Je le remets au tien, pour venger et punir.
Va!...

Le troisième acte est consacré à la préparation de la vengeance. Nous sommes à la porte du camp de chasse où s’est enfermé Kudo — Scènes épisodiques. Juro vient examiner les abords du camp. Des gardes de Kudo le rencontrent, et, soupçonnant ses desseins, l’interrogent, lui arrachent son nom et le traitent avec insolence parce qu’il passe devant la porte de leur maître sans venir le saluer. Eux partis, Juro fait éclater sa colère; encore une fois il a fallu dissimuler devant ses mortels ennemis; mais patience, demain il n’aura plus à endurer leurs insultes. Une femme vient le trouver pour lui remettre, dit-elle, un billet de la part de Shosho, sa maîtresse; mais, au lieu d’une lettre, il trouve dans l’enveloppe une passe pour franchir demain l’enceinte réservée à la chasse. La messagère est une confidente. Elle lui offre de lui faire voir Kudo, afin que dans le combat ses coups ne se trompent pas d’adresse.

Nous sommes aussitôt introduits à la cour de Kudo par un changement à vue. Le puissant daïmio, entouré de femmes et de serviteurs, trompe l’ennui d’une journée de pluie en compagnie de Kadjuwara et d’autres seigneurs de ses amis. On échange des quolibets et des bons mots. En ce moment, on vient annoncer à Kudo que Juro est passé devant la porte de son camp et qu’une des femmes l’a invité à venir saluer le maître. « Qu’il entre, dit le prince; il a, je le sais, une ancienne haine contre moi à cause de la mort de son père, et je veux régler cela. » Juro pénètre au milieu de cette brillante assemblée avec toutes les marques ordinaires du respect. Il ne peut songer à exécuter son projet avant le lendemain. Ce n’est pas dans le groupe où il est assis que son bras irait avec succès chercher le cœur de son ennemi; encore une fois il faut feindre. Nous allons assister à une scène d’ironie qu’il serait curieux de mettre en parallèle avec celles du même genre qu’offrent dans notre théâtre Athalie, le Roi s’amuse et tant d’autres pièces. On va voir combien, sous les formes obséquieuses de la politesse japonaise, il peut se cacher d’insolence et de méchanceté. « J’ai beaucoup connu votre père, dit le daïmio, vous lui ressemblez d’une manière frappante. — C’est vrai, ajoute Kadjuwara, on dirait le même homme; est-ce qu’il vit encore? — Non. — Venez de temps en temps me voir, ajoute le seigneur, qui sait à merveille combien sa vue blesse Juro, vous me ferez toujours un vif plaisir. — Cet homme-là, dit une des femmes de la cour, a sa maîtresse parmi les femmes qui sont ici. — Vraiment? Juro, contez-nous vos amours. » Et comme il résiste : «Pourquoi les chanteuses, au lieu des grands seigneurs qui les couvriraient d’or, aiment-elles toujours de pauvres hères? » Après l’avoir pris longuement