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— Comme font de pareils coquins, voleurs de chevaux, bandits que Dieu veuille punir ! — Il s’essuya les yeux du revers de la main, et poursuivit plus tranquillement : — Nous étions cette nuit dans l’herbage, près du moulin de Théodosie, moi, Grégoire, Ivachka et les autres avec tous nos chevaux. Il faisait si frais sur l’herbe et dans l’air que c’était un plaisir et que les pauvres bêtes en bondissaient de joie. Notre feu était superbe, et la meunière vint causer, rire, et nous apporter du maïs, que nous fîmes rôtir dans la cendre. Quand elle nous eut quittés, nous restâmes encore à manger le maïs et à nous raconter des histoires. Tout était si calme qu’on entendait clapoter l’eau du moulin et sauter le poisson. La plupart d’entre nous s’endormirent; moi, je ne dormais pas : couché sur le dos, je comptais les étoiles. Voilà que tout à coup les chiens aboient, et en me redressant j’aperçois un loup tout près des saules, je le vois sortir la tête du feuillage et nous regarder. J’appelle les gars, et je me lance à la poursuite de ce loup en brandissant un tison. Les autres me suivaient à grand bruit, tous armés de même. L’animal disparaît; toutefois, après avoir bien couru, nous le revoyons derrière le moulin non pas sur ses quatre pieds, maître, mais sur deux, comme un homme. Grégoire et Ivachka font le signe de la croix, mais Michalik, un rusé, devine la chose. — Que le diable me prenne aux cheveux, dit-il, si ce n’est pas un voleur qui vient nous enlever nos bêtes. — Comme il disait cela, la peur m’étouffe, et mes jambes commencent à trembler; les autres donnaient la chasse au voleur, mais moi, je me traînai vers les chevaux. Ils paissaient tranquillement, ce qui ne serait pas arrivé, si le loup eût été proche, car les chevaux sentent un loup de loin, et cherchent alors quelque endroit élevé où tous ensemble ils forment un cercle les sabots en dehors. Rassuré, je me mets à compter, comme j’avais fait auparavant pour les étoiles, nos pauvres bêtes, mais impossible d’en venir à bout tout seul. Quand mes camarades sont venus m’aider, nous nous sommes rendu compte de notre malheur. Les gueux nous avaient volé quatre chevaux ! L’un d’eux s’était cousu dans une peau de loup pour nous faire peur et nous occuper pendant que les autres... — Le pauvre enfant sanglotait de plus belle. — Sur ces quatre chevaux, deux étaient à moi... et le poulain avait suivi la jument pie ! — Dieu sait où ils sont maintenant! Mais je connais les voleurs,... je les connais!

— Ne serait-ce pas Cyrille?

— Lui-même, répliqua le jeune garçon, et Stawrowski avec leur bande. Ils volent l’œuf sous le ventre de la poule et le lin dans les mains de la ménagère.

— Si tu connais les voleurs, pourquoi ne les poursuis-tu pas au lieu de rester à pleurer?