Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/845

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’épaisses guirlandes, de larges nœuds de feuillage, des fleurs robustes au calice grand ouvert ; il est inutile de demander si la figure humaine, qui est de tous les genres d’ornemens celui qui exige le plus de relief, y est employée avec profusion. Ce goût n’est pas des plus purs, il faut bien l’avouer, mais il est si général que c’est à peine si l’on pourrait lui découvrir une exception, et il semble avoir été à peu près toujours le même à toutes les époques, fait d’autant plus singulier que le Lyonnais est une des provinces qui ont produit le plus d’habiles artistes, notamment dans la sculpture, à laquelle les arts d’ornement se rapportent bien plus étroitement qu’ils ne se rapportent à l’architecture. Peut-être ce goût a-t-il sa raison d’être dans le mode de construction traditionnellement adopté en Lyonnais, une haute maison à large façade appelant plus naturellement les ornemens pleins et se détachant en force que les ornemens délicats.

Quant à la décoration générale de la ville, — places, édifices, fontaines, statues, — elle est très belle, et les Lyonnais peuvent en être fiers à juste titre, car elle est entièrement l’œuvre de leurs enfans, et ils n’ont eu besoin pour la créer d’avoir recours à aucun artiste étranger. Je ne sais pas jusqu’à quel point Lyon a toujours été bonne mère ; en tout cas, elle a trouvé les meilleurs des fils. C’est un fait très curieux, presque touchant à force d’être répété, et qu’on ne pourrait retrouver à ce degré dans aucune autre ville de France : Lyon, tant l’ancien que le nouveau, n’a dû sa parure qu’à des artistes issus de son sein, et ils ont traité leur ville avec une déférence et un respect accomplis ; à elle, leurs meilleures inspirations et leur plus consciencieuse habileté, pas une marque de négligence dans les dons qu’ils lui ont faits ; quelle que soit la valeur de ce don, on peut toujours être sûr que l’artiste y a mis tout ce que sa nature lui permettait d’y mettre, et souvent même qu’il s’y est élevé au-dessus de lui-même : si dans cette masse d’œuvres il y en a quelqu’une qui soit trop décidément médiocre, soyez sûr qu’elle est le fait d’un étranger.

C’est ici en effet une terre d’artistes, mais de tous les arts la sculpture est celui qui y a fleuri avec le succès le plus constant. Que de noms célèbres dignes d’être répétés, Coysevox, Coustou, Lemot, et parmi les contemporains que de noms dignes d’être retenus. Bonnet, Fabisch, Bonnassieux ! La sculpture semble être la forme de l’art qui se rapporte par excellence au génie lyonnais, et il faut bien véritablement qu’il en soit ainsi, car, même lorsque l’homme est médiocre, ses œuvres soutiennent le jugement et répondent exactement à toutes les exigences de son art. Le sculpteur Chinard par exemple vous est sans doute profondément inconnu ?