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l’état maritime prépondérant, le centre de toutes les grandes négociations diplomatiques, le foyer de toutes les coalitions européennes. Ses villes et même ses villages donnèrent leur nom aux traités de paix qui réglaient les destinées des deux mondes. Ainsi les institutions fédérales des Provinces-Unies, tout en assurant aux Néerlandais deux siècles d’ordre, de liberté et de prospérité sans exemple, leur ont permis, chose plus rare encore, de traverser heureusement, eux, une poignée d’hommes resserrés sur une étroite langue de terre arrachée à l’océan, les plus redoutables complications de la politique extérieure et de défendre leur indépendance et leurs riches colonies contre les convoitises de leurs voisins, infiniment plus forts qu’eux. Ces institutions étaient loin d’être parfaites, et on ne peut songer aujourd’hui à les imiter; mais les principes qui leur servaient de base, et plus encore l’esprit dans lequel elles ont été pratiquées, peuvent toujours nous offrir d’excellentes leçons. C’est du reste un sujet très peu connu en dehors de la Néerlande. Même les historiens qui récemment ont raconté avec tant d’éloquence ce magnifique épisode qui plus que tout autre fait honneur à l’espèce humaine, l’émancipation des Pays-Bas, ne font pas connaître en détail l’organisation des pouvoirs politiques de la république dont ils nous disent la naissance et les victoires. Naguère encore l’étude de cette matière exigeait de longues recherches dont il fallait puiser les élémens épars dans un grand nombre de livres et de documens; aujourd’hui elle est singulièrement facilitée par la publication en néerlandais de deux écrits très bien conçus et très clairs. L’un, destiné à l’enseignement, est dû au docteur L.-R. Beynen; l’autre, plus développé et plus approfondi, à M. de La Bassecour-Caan. Tous deux font parfaitement connaître l’origine, le développement et les attributions des différens pouvoirs. Nous pouvons suivre les rouages infiniment compliqués de ce régime politique si extraordinaire, comme si nous les voyions fonctionner sous nos yeux.


I.

La république des Provinces-Unies était une fédération d’états plutôt qu’un état fédératif. Le lien qui rattachait les différentes parties du pays était plus serré que celui qui existait entre les cantons suisses, mais moins étroit que celui qui unit aujourd’hui les états de l’Amérique du Nord. En Suisse, le pouvoir central n’existait pour ainsi dire pas, tandis que dans les Pays-Bas il exerçait des attributions importantes pour la défense nationale et pour la représentation vis-à-vis de l’étranger. Le cercle des attributions des autorités fédérales aux États-Unis n’est pas beaucoup plus étendu qu’il ne