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fer, pour les préserver de la pourriture. Plus tard les produits les plus volatils, épurés et rectifiés, servirent sous le nom de benzine à dégraisser les étoffes, à carburer le gaz, à rendre plus siccatives les peintures à l’huile. Le goudron de houille commença ainsi à sortir de son obscurité et à fixer l’attention des chimistes.

On constate sans peine que, depuis la découverte du combustible minéral, le progrès a lieu par étapes de plus en plus rapides. C’est d’abord l’éclairage au gaz ; on sait que l’éclairage est une invention française : les premiers essais furent faits par Philippe Lebon, ingénieur des ponts et chaussées, à Paris, vers la fin du siècle dernier. Cette belle application de la chimie à l’économie domestique est le premier jalon des découvertes modernes relatives aux produits de la houille, car il a fallu que le charbon fût converti en goudron pour qu’on soupçonnât la fécondité de ce minéral fossile. Le goudron lui-même devait d’abord se transformer en benzine avant qu’on pût songer aux applications industrielles dont il est la base. C’est la seconde phase des métamorphoses par lesquelles la houille devient couleur : à partir de là, nous verrons les dernières transformations se succéder à des intervalles de plus en plus rapprochés.

Le goudron de houille étant soumis à une distillation fractionnée dans de vastes alambics, il passe successivement des produits de moins en moins volatils : d’abord les huiles légères, ensuite les huiles lourdes, et le résidu prend le nom de brai gras ou de brai sec, selon qu’il est plus ou moins complètement épuisé. Le brai est en grande partie consommé pour la fabrication des asphaltes artificiels et pour celle des agglomérés ou briquettes formées de brai et de poussier de charbon qui servent au chauffage des locomotives. L’asphalte de nos trottoirs se compose de sable et de pierres concassées, dont on fait, avec le brai sec, une pâte qui devient très dure par le refroidissement. Avec du crin ou de l’étoupe que l’on trempe dans un bain de brai, on confectionne des cartons imperméables qui donnent des couvertures de toits économiques et très légères. Enfin le brai gras associé à la résine donne un vernis dont on enduit la coque des navires, et avec de l’huile lourde une peinture qu’on applique, pour les préserver de l’humidité, sur les poteaux, les palissades, les ferrures, les objets en tôle.

Les huiles lourdes fournies par la distillation du goudron entrent dans la composition des peintures et des vernis communs ; les plus denses s’emploient pour graisser les voitures et les machines, ou bien on les brûle pour fabriquer du noir de fumée. Enfin ces huiles lourdes renferment des hydrocarbures solides, tels que la naphtaline et l’anthracène. Les huiles légères qui forment l’essence brute de