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à l’étranger, même à Berlin et surtout à Gotha, n’hésite à le mentionner parmi les héroïques chercheurs qui ont ajouté leur pierre à l’édifice de la science, leur champ nouveau aux terres conquises, et le souvenir de leur courage et de leur mâle fermeté à l’histoire des découvertes ? Le Voyage aux deux Nils, l’exploration du Bahr-el-Ghazal, l’Abyssinie parcourue en entier, l’expédition de Perse et les quatre séjours prolongés dans les Balkans, peuvent paraître des titres plus que suffisans à un mot d’éloge, à une mention tout au moins. Espérons encore que l’omission du nom de Lejean n’est qu’un oubli involontaire.

Nous ne saurions, en terminant l’examen des travaux particuliers à la branche historique, trop recommander aux philologues de ne pas dédaigner le secours précieux de la géographie. Un exemple récent fera mieux comprendre l’opportunité de ce conseil. Un jeune philologue, M. Vinson, qui a pris pour spécialité les études ibériennes, vient de démontrer, après bien des recherches méthodiques, qu’il était parvenu à un résultat absolument nul, que dans l’état actuel de la science il était impossible de dire si les Basques étaient les descendans des Ibères ou de tout autre peuple ; il estime qu’on doit également s’abstenir de parler de ces mêmes Ibères, de dire ce qu’ils étaient, d’où ils venaient, à quel système se rattachait leur langue. On ne peut, selon lui, se permettre aucune conjecture, encore moins énoncer la plus timide hypothèse à leur égard, sous peine de rompre en visière avec toutes les règles nouvelles de la saine recherche scientifique. Il va même si loin dans cette voie, et nous donne si peu d’espoir de découvrir l’ombre d’une solution à ce problème qu’on est tenté de se demander si le résultat absolument négatif auquel il est parvenu mérite le quart de la peine qu’il a prise. Cependant, s’il eût étudié avec plus de soin qu’il ne l’a fait la carte d’Espagne, celle du midi de la Gaule et de la rivière de Gênes, il eût été contraint de reconnaître dans tous ces pays la présence de certains noms géographiques qui se rencontrent là précisément où les traditions classiques placent le séjour des Ibères, et il eût constaté que ces mêmes noms ne se trouvent nulle part ailleurs en Europe, qu’ils sont surtout reconnaissables aux formes initiales en iti, ili, iri, comme Ilipa, Ilercao, Illergerles, Iria, et aux formes finales en beris, comme Illiberis ; il eût considéré sans doute comme fort remarquable que ces noms géographiques abondassent là où la présence des Ibères est bien prouvée, comme dans l’Andalousie, le centre de l’Espagne, l’Aragon (ancienne Celtibérie), la Haute-Gascogne (Auch s’appelait encore Elimberis au temps d’Auguste) et le Roussillon (Elne a porté le nom d’Illiberis jusqu’au IVe siècle, où elle reçut celui qu’elle porte encore d’Helena, mère de Constantin), tandis qu’ils ne se rencontrent pas dans les contrées mêmes de l’Espagne