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où les Celtes ont dominé presque exclusivement, comme dans les régions du nord-ouest, en Galice par exemple, et qu’ils sont fort rares sur la côte maritime, où les Phéniciens ont laissé dans d’autres noms géographiques évidemment sémitiques un témoignage non moins parlant de leur domination prolongée. Sans rien préjuger de l’origine des Basques, ne peut-on raisonnablement considérer ces noms géographiques comme les vestiges manifestes des Ibères, Iberi, que les Carthaginois et les Romains ont reconnus comme ayant été leurs prédécesseurs en Espagne, et que les Gaulois ont certainement rencontrés dans le sud de notre pays ? Il faudrait être bien attaché aux règles, qu’on a d’ailleurs un peu faites soi-même, pour ne pas attribuer un très haut degré de vraisemblance à une présomption aussi satisfaisante a priori, bien qu’elle n’ait pas la rigueur d’une démonstration mathématique[1].


III.

Les trois derniers groupes (économique, didactique et des voyages) ne nous paraissent pas avoir fourni jusqu’à ce jour un programme en rapport avec l’état de la science, et il y a tout lieu de croire que les savans qui les composent ne nous ont pas donné leur dernier mot. Les questions du premier de ces groupes portent principalement sur les causes des émigrations et des colonies, et sur la recherche des meilleurs systèmes de colonisation, sur l’association possible des intérêts commerciaux et des intérêts scientifiques ; puis viennent des questions d’ingénieurs plutôt que de géographes, sur les percemens des isthmes, les ponts tubulaires et, bien entendu, l’éternel problème du canal interocéanien, — sur les voies projetées entre l’Europe, l’Inde et la Chine, sur les avantages qu’on pourrait retirer de la création d’une mer intérieure au sud de l’Algérie, sur la recherche des régions du globe les plus riches en combustibles minéraux

  1. Un jeune professeur de l’Université, M. Luchaire, a parcouru les pays où l’on parle encore cette langue, et il est arrivé à des résultats tout différens. Il y a recueilli des noms de localités modernes tels que Hiriberri dans le Labourd, la Soule, la Basse-Navarre, Uribarri dans le Guipuscoa et la Biscaye. Il nous écrivait naguère : « Le critique le plus prévenu contre les étymologies ne pourra se refuser à identifier ces noms modernes avec ceux d’autres localités anciennes, telles que Eliberre (Table de Peutinger), ou Elimberris (Pomponius Mela), nom ancien d’Augusta Auscorum (Auch), et d’Illiberre ou Illiberris (Elne). Les noms géographiques du pays basque fournissent beaucoup d’exemples de ces radicaux, iri signifiant ville et localité (formes dialectales hiri et uri), et terminés en berri, signifiant nouveau (forme dialectale barri). Dans la nomenclature actuelle de ce pays, on trouve uli pour uri, ili pour iri. L’s final à d’Elimberris ou Illiberis est une consonne euphonique ajoutée par les latins. »