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un titre de gloire. Ses rapports avaient procuré des renseignemens positifs que l’on n’avait pas encore complètement utilisés. On considéra en Angleterre qu’il n’y avait plus de temps à perdre ; un comité anti-esclavagiste se réunit à Londres en août 1871, au moment même où M. Stanley accomplissait son voyage mystérieux. Les témoins entendus furent les consuls anglais à Zanzibar et les officiers de marine qui avaient croisé dans ces parages. Des résolutions furent prises, et peu de temps après le retour de M. Stanley, dont l’expédition a de nouveau attiré l’attention publique sur ces problèmes, il fut décidé que sir Bartle Frere, ancien gouverneur de Bombay, qui par sa position comme par ses études était très au courant de la question, serait envoyé comme plénipotentiaire auprès du sultan de Zanzibar pour négocier l’abolition de la traite.

Jamais mission n’aura rencontré plus sympathique concours. On ne redoute pas les difficultés, on ne s’inquiète pas du droit d’intervenir dans une institution sociale. La réprobation commune justifie l’intervention. On s’étonne seulement que le scandale dure toujours. Le plénipotentiaire anglais aura l’honneur d’attacher son nom à l’extinction du fléau de l’esclavage ; il l’aura du moins tenté. Il devra réussir à le chasser de Zanzibar, dernier point du monde où le honteux trafic s’exerce ouvertement, s’il n’est malheureusement pas le seul point où il existe. Quel est donc ce pays assez ignoré pour qu’il puisse ne pas être associé au progrès universel, quelle est cette institution de l’esclavage en pays musulman, quelles sont les difficultés qui s’opposent à l’émancipation, quels sont les moyens qu’on peut employer pour contraindre toute une nation ? Ce sont là des questions auxquelles nous allons essayer de répondre.


I.

Chacun se rappelle les tableaux effrayans qu’un auteur a présentés de l’esclavage. Le roman avait sa part dans les détails, l’ensemble était vrai ou pouvait l’être ; cela suffisait. L’esclavage en pays européen était condamné, et les délais de l’émancipation générale ne provenaient que des difficultés que l’on rencontre à bouleverser un ordre social auquel se rapportent des intérêts si graves. Cependant une partie des misères de l’esclave avait été retracée. On analysait ses souffrances alors que, travaillant à la culture d’une habitation ou bien employé au service de la maison, il était soumis, sauf quelques recours illusoires, à la volonté absolue de son maître. On le représentait tantôt en butte aux caprices de l’intendant, marchant sous le fouet, tantôt revendu et devant quitter la famille que le propriétaire, dans un espoir de lucre, lui avait d’abord