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corps de nos enfans, de jeter dans leur esprit les germes de la superstition, de leur inspirer la haine de nos institutions et le mépris des plus nobles choses et des principes les plus saints. » La chambre a couvert ces paroles d’applaudissemens.

M. Correnti avait établi, dans un rapport fait au parlement le 10 juin 1878, qu’il y a encore en Italie 9,000 écoles tenues par le clergé. Plusieurs communes ont confié les leurs aux frères, aux sœurs converses, à des chapelains, à des curés. Les 360,000 élèves que ces écoles réunissent reçoivent une éducation bien inférieure à celle des écoles laïques. Outre ces 9,000 écoles, il y a, sans compter celles de la province de Rome, 570 pensionnats de filles au pouvoir des congrégations religieuses, ayant 2,723 maîtresses, 17,158 pensionnaires et 11,937 externes. Dans tous ces établissemens la discipline est mauvaise, l’enseignement des plus médiocres, et ce qu’il y a de plus déplorable, c’est que l’on y professe un grand mépris pour les nouvelles institutions politiques qui régissent l’Italie.

Les Italiens pensent que le peu de progrès accompli dans un grand nombre d’écoles rurales est dû en grande partie à la difficulté de se procurer de bons maîtres, qui a pour cause principale la malheureuse condition où se trouvent les instituteurs publics et privés. La loi organique de 1859 améliorait leur situation en fixant à 334 livres le minimum de leur traitement ; l’état devait le compléter par des subventions annuelles dans les cas où les conseils provinciaux n’y auraient pas déjà pourvu. Une circulaire ministérielle engageait, en 1860, les conseils municipaux à récompenser les maîtres et les maîtresses qui se distingueraient par leur mérite et leur conduite. L’état, donnant l’exemple, avait mis à la disposition de chaque province une certaine somme consacrée à cet objet. C’était bien le moins que l’on pût faire en faveur de ces hommes que le même ministre appelait les « soldats de la science et de la liberté. » À ces encouragemens pécuniaires, on a pensé qu’il était convenable d’ajouter des attributions qui élèveraient leur condition comme citoyens. La loi électorale a refusé aux maîtres d’école le droit à l’élection politique qu’elle accorde aux plus humbles boutiquiers. L’article de la loi présentée au parlement par M. Scialoja avait pour but d’assurer expressément aux instituteurs primaires l’exercice du droit le plus honorable dont puisse jouir le citoyen d’un état libre. L’adoption de cet article aurait pu exercer une grande influence sur la législation, qui tôt ou tard élargira le cercle des électeurs. Malgré des aspirations libérales que l’on ne peut méconnaître sans injustice, il est certain que l’Italie est encore aujourd’hui l’état le plus oligarchique de l’Europe. Elle compte 6 millions d’habitans au moins qui posséderaient toutes les conditions de l’électorat, et l’on n’y trouve