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apprendre pendant les quatre années qu’ils passeront dans les établissemens où seront habilement fondus les programmes d’études de l’école technique et ceux du gymnase ! Après ces quatre années, les élèves qui devront arrêter là le cours de leurs études auront reçu une instruction complète qui leur ouvrira un grand nombre de carrières ; ceux qui pourront les continuer verront s’ouvrir devant eux les instituts supérieurs techniques ou les lycées, les uns pour se préparer définitivement à l’agriculture, le commerce et l’industrie, les autres pour suivre les cours des universités. Enfin le lycée, recevant des élèves préparés pour l’enseignement intermédiaire des gymnases ou des écoles techniques, pourrait donner plus d’étendue et de solidité à son enseignement classique et renforcer encore l’étude des langues et des littératures anciennes.

La distinction, déjà consacrée en Italie, entre le gymnase et le lycée, qui peut rendre facile une bonne organisation de l’instruction secondaire, manque à la France. Notre enseignement classique aurait tout à gagner, s’il était, comme en Italie, partagé en deux périodes et si les lycées ne recevaient que les élèves de quatorze ou quinze ans, sortis de ces établissemens que l’Autriche désigne sous le nom de gymnases réels. On n’aurait pas à se plaindre alors d’un système d’éducation appliqué sans distinction à tous les enfans, quelles que soient leurs aptitudes et quelque situation que leur réserve l’avenir, car, il faut bien le dire, la question importante à résoudre n’est pas tant de restreindre les études classiques que de diminuer le nombre de ceux qui y participent et auxquels elles sont parfaitement inutiles et souvent nuisibles. La plupart des réformes proposées, la suppression du grec, du thème ou du vers latin par exemple, la substitution de la traduction rapide à la traduction minutieuse, l’introduction des langues étrangères, sont inspirées ou justifiées par le besoin très légitime de donner, non un enseignement restreint et spécial, utile seulement à un petit nombre de sujets d’élite, mais une instruction générale utile à tous. Ces réformes et ces suppressions sont excellentes pour les gymnases, auxquels appartient ce caractère de généralité, mais elles n’auraient plus la même raison d’être pour les lycées, si, ne recevant que des élèves préparés pour l’enseignement supérieur des universités, ils devaient avoir pour but, comme par le passé, de maintenir dans toute leur étendue ces études littéraires et ce culte de l’antiquité grecque et latine que l’on considère comme la condition essentielle de toute culture intellectuelle, et dont la France doit avoir à cœur de conserver les précieuses traditions[1].

  1. Ce plan d’études est aujourd’hui mis en pratique avec un grand succès dans l’école Monge, fondée à Paris en 1869.