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qui s’imaginaient faire œuvre de science en appliquant plus ou moins bien a leurs plantes les noms et les petites phrases toutes faites des anciennes flores. Dans les genres dits polymorphes, tels que rubus, rosa, sempervivum, etc., elle a introduit, à côté de bien des subtilités, des coupes d’espèces précises et nettes. Bien qu’elle n’ait pas toujours mis en pratique la méthode expérimentale des semis, qu’elle ait à tout moment confondu les variations avec les variétés, les variétés pures avec les hybrides, on peut dire qu’elle a classé en catégories distinctes les formes jusque-là laissées en désordre de la plupart des espèces dites collectives ; mais, cette part de l’éloge faite, et faite très largement, il sera bien permis de faire la part des réserves et des reproches. Et d’abord cette école, qui se dit nouvelle, l’est-elle autant qu’elle se le figure ? Sur quels principes fonde-t-elle son autonomie, son originalité ? Est-ce sur la base pratique du morcellement des anciennes espèces dites linnéennes ? Est-ce sur le dogme jordanien de la primordialité, de l’irréductibilité, de l’immutabilité absolue des formes essentielles (au sens scolastique du mot, ce que nous appellerions plus volontiers des types, des espèces) ? Serait-elle à la fois multiplicatrice, comme l’appelle M. Duval-Jouve, et jordanienne, comme la vox botanicorum l’a spontanément désignée ? Dans le premier cas, elle n’est rien moins que nouvelle ; ses ancêtres sont partout, ils abondent surtout au XVIe siècle et s’appellent Lobel, Clusius, Dodoens, les deux Bauhin, etc. Au XVIIe siècle, Richer de Belleval, Ray, Tournefort ; plus rares au XVIIIe siècle, où Roth, Ehrhart et Pourret représentent cette tendance, ils se multiplient de nouveau dans notre siècle, où Reichenbach et Weihe en Allemagne, Fries en Suède, Schleicher, Gaudin et Boissier en Suisse, Tenore, Gussone, Parlatore en Italie, Webb, Seringe et Spach en France, Dumortier en Belgique, Babington en Angleterre, sans se croire des novateurs, appliquaient l’esprit d’analyse au débrouillement des genres ou des espèces chaotiques. Si les chefs de file de la botanique descriptive, les Robert Brown, de Candolle, Jussieu, Kunth, Auguste de Saint-Hilaire, Hooker, Bentham, Koch, J. Gay, restaient en apparence étrangers à ce mouvement, c’est que, plus naturellement synthétiques par la généralité de leurs vues, ils jouaient le rôle de conservateurs libéraux fidèles à la tradition linnéenne, mais toujours prêts à introduire dans la distinction des espèces les procédés plus rigoureux d’une analyse perfectionnée. C’est cet esprit à la fois prudent et progressif qui doit régner chez les maîtres de la science. L’esprit d’analyse, la recherche des distinctions de détail, sont plus naturellement dévolus aux monographes, aux floristes, à ceux qui, moins préoccupés des questions d’ensemble, peuvent appliquer à