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été peut-être un des plus actifs dissolvans de l’esprit militaire. Le meilleur moyen est de ne faire absolument aucune exception. L’autre jour, lorsque dans la commission de permanence on a signalé au gouvernement un officier qui serait un des chefs d’une certaine propagande et qui dans une réunion récente en Vendée aurait prononcé des paroles un peu vives, M. le ministre de l’intérieur a répondu que ce « militaire distingué » était doué « d’une grande éloquence qu’il consentait à mettre à la disposition des paysans et des ouvriers, » que, s’il y avait eu des paroles blâmables, il aviserait. M, le ministre de l’intérieur y at-il bien songé ? La question n’est nullement de savoir s’il y a eu des paroles plus ou moins ardentes ni même quel est le caractère des discours qui ont été prononcés. Le danger est dans cette intervention autorisée d’un officier, dans cette interversion de tous les rôles. Un officier n’a point évidemment la mission de « se consacrer à l’éducation populaire, » Ce qu’on permet à l’un, le permettra-t-on ou l’interdira-t-on à l’autre ? Où en sera-t-on alors ? que devient l’esprit militaire exposé à ces tentations ou à ces conflits ? Un officier appartient non à une opinion, mais à l’armée du pays, et à l’armée seule il doit son intelligence, son activité, son dévoûment et son zèle. M. le maréchal de Mac-Mahon, dans son dernier voyage en Bretagne, donnait à tous le plus sérieux exemple d’esprit militaire en interdisant aux soldats toute acclamation, même en sa faveur. On peut avec honneur et avec profit s’inspirer de cet exemple du premier soldat de l’armée, qui, tout en étant chef de l’état, ne fait à coup sûr que la politique qu’il ne peut pas s’empêcher de faire, et qui aime mieux encore sans doute voir comment se conduisent sur le terrain les divisions du général Clinchant.

C’est la saison des manœuvres militaires, c’est aussi la saison des congrès, des conférences, des réunions de toute sorte. Après cela, on peut bien le dire, il y a congrès et congrès. Il y a ceux qui ont un certain caractère sérieux, et il y a ceux qui servent de spectacle à la galerie européenne dans les temps d’automne. Il y a eu le congrès de Stockholm, le congrès de « l’association pour l’avancement des sciences » à Lille, le congrès diplomatique de Bruxelles, qui a terminé ses travaux, qui a rédigé de son mieux le code des lois et des usages de la guerre pour faire honneur à l’initiative de l’empereur Alexandre de Russie ; il y a eu aussi à Fribourg en Brisgau un congrès des vieux-catholiques qui ne semble pas promettre les destinées les plus brillantes à l’église nouvelle, puis, à Genève, le congrès de la paix et de la liberté, qui n’aura pas cette fois M. Victor Hugo, qui est obligé de se contenter d’une lettre-homélie, et enfin le congrès des travailleurs socialistes, internationalistes, collectivistes, qui vient de se réunir à Bruxelles. Pour ce dernier, c’est l’exhibition la plus récente et la plus fraîche de l’Internationale, dont on n’avait pas entendu parler depuis quelque temps. Que devient