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et aux peintures murales, il n’en restait plus de traces. Ce spectacle produisit sans doute une impression sinistre sur l’esprit de George, car il ne prit que le temps de constater les dégâts et rentra chez lui. La porte du château fut fermée aux visites. Les domestiques remarquèrent que leur maître se promenait seul sous les arbres du parc d’un air agité. On l’entendit pendant la nuit marcher dans sa chambre, et sa lampe brûla jusqu’au jour. Il descendit avant le lever du soleil et entra sous une remise où il faisait travailler des ouvriers maçons et paveurs. C’était un dimanche. Les ouvriers ne devaient point venir ; mais ils n’avaient pas emporté leurs outils. M. de Louvignac s’empara d’un de ces pics de fer qu’on emploie à desceller les pavés ou les pierres, le mit sur son épaule, et sortit du château par la cour des écuries.

Le docteur Vibrac, allant voir un malade et monté sur son bidet, longeait dans un petit sentier le mur du cimetière. Un bruit sourd frappa son oreille. Il crut entendre de forts coups de pioche suivis d’un éboulement. Il arrêta son cheval, se dressa sur ses étriers et regarda par-dessus le mur. Le cimetière était entièrement désert. On voyait à peu de distance le tombeau du feu comte de Louvignac. La porte en était close. Vibrac écouta un moment, et, n’entendant plus rien, remit son cheval au trot. Cependant George, résolu à reconquérir son diamant, travaillait comme un manœuvre. L’entreprise offrait plus de difficultés qu’il ne l’avait pensé d’abord. Lequel des deux caveaux renfermait le cercueil de son père ? il ne s’en souvenait plus. En grattant avec un couteau l’une des pierres sépulcrales, il retrouva sous la couche de salpêtre ces mots de l’épitaphe : Ici repose, puis le nom de Jean. Suffisamment éclairé par cette découverte, il fit sauter à coups de pic le peu de ciment qui soutenait encore la pierre ; mais, comme il ne frappait pas toujours juste, un large pan de moellon se détacha du mur ; la pierre le suivit et se brisa sur les dalles avec fracas. George se recula lestement, puis il demeura immobile en face de l’ouverture du caveau.

Lorsque ses yeux se furent accoutumés à la demi-obscurité, il s’aperçut que la voûte détériorée livrait passage à des infiltrations d’eau et à l’air extérieur. Il descendit les marches en se courbant. Le cercueil, déposé sur une table en maçonnerie, n’était plus qu’un amas de poussière, dans laquelle le diamant devait être mêlé. George en prit au hasard une poignée en y enfonçant hardiment la main. Au milieu de cette poussière se trouva un corps dur qu’il examina de près : c’était un petit caillou de couleur roussâtre, d’une surface raboteuse et de forme ovoïde. Il le mit dans sa poche, puis il alluma une bougie pour se livrer à des recherches plus minutieuses. Il ne chercha pas longtemps. À peine la bougie fut-elle suspendue