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— Non, poursuivit le docteur, ce n’est pas mon intention ; mais si le diamant de ta mère est ta légitime propriété, si tu n’as pu souffrir qu’il fût distrait de ton héritage, pourquoi donc as-tu consenti à me payer les douze mille livres que ton père a voulu me laisser ? Rien ne t’y obligeait. Il n’y avait point de testament, point d’écrit, et nous voyons que les paroles ne comptent pas. Ces douze mille livres sont à toi aussi bien que le diamant. Pour les reprendre, il n’est pas besoin de les tirer d’un tombeau. Accorde-moi huit jours de délai, et je te les rendrai. Aussi bien je n’en veux plus. Le legs de ton père est défloré dans mon esprit. J’ai hâte de te restituer ton argent.

— Docteur ! s’écria George, ne faites pas cela, je vous en supplie, ou je ne vous reverrai de ma vie.

— Ne plus nous revoir, c’est impossible, reprit le docteur. Je vais trop loin. Je suis injuste ; pardonne-moi ma vivacité. Maintenant, fais-moi ta confession entière ; à cette condition, je ne t’assassinerai plus de mes remontrances.

George raconta son expédition sans rien omettre. Quand il eut achevé son récit, il montra au docteur le petit caillou qu’il avait tiré du fond du cercueil. Vibrac prit le caillou, le regarda longtemps, le tourna entre ses doigts, le frotta sur sa manche et le gratta doucement avec son couteau. — C’est étrange ! dit-il ; cela n’a pas pu s’introduire dans le cercueil. La voûte d’un caveau ne contient pas de pierre qui ressemble à cela. Je croirais volontiers… Eh oui ! c’est ce que nous appelons un calcul. En vérité, c’est étrange. Le feu comte de Louvignac avait la pierre. S’il eût vécu deux ou trois ans de plus, il s’en serait bien aperçu. Je l’aurais envoyé à quelque célèbre chirurgien de Paris, car ces opérations-là sont toujours difficiles et dangereuses. On emploie aujourd’hui des instrumens d’une grande perfection ; mais s’ils viennent à se briser ou s’il y a une adhérence, gare au malade ! Diable ! voilà qui est grave. La pierre est une maladie héréditaire. Prends garde à toi, mon enfant ; il faut te surveiller.

— En êtes-vous bien sûr ? demanda George en pâlissant.

— Parfaitement sûr. Un jour tu auras la pierre ; c’est plus que probable.

— Mais c’est une affreuse maladie !

— Pas plus affreuse que beaucoup d’autres. D’ailleurs on peut en retarder la marche avec des soins et du régime ; il est fort heureux que tu sois averti.

Le docteur voyait bien George changer de visage, mais il feignait de ne point s’en apercevoir, et continuait à disserter sur les infirmités héréditaires, sur les causes, les effets, la formation du calcul, et sur les élémens chimiques dont il se compose. Quand il fut assuré