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noms scientifiques, les surnoms populaires sous lesquels les champignons sont connus dans les diverses parties de la France. Il faudrait que l’instituteur fût tenu d’apprendre aux enfans assez de botanique pour qu’ils pussent reconnaître les caractères distinctifs de chaque espèce.

— Certainement, au lieu de bourrer les cervelles enfantines d’une foule de niaiseries scolastiques, on devrait leur donner, sous la forme de ces leçons de choses introduites dans les écoles américaines, des notions claires et pratiques sur le petit monde qui les entoure ; mais la routine, mon ami, la routine !.. Nos instituteurs ignorent l’analyse et la classification de nos plantes usuelles, et même nos médecins de village, pour la plupart, ne savent pas un mot de botanique. Les gens qui connaissent encore le mieux les cryptogames sont nos bûcherons et nos charbonniers… Attention ! nous arrivons à un endroit où ne croissent guère que des espèces innocentes, avec lesquelles il n’y a pas de méprise possible. Ce champignon d’un jaune d’or, au chapeau coquettement retroussé et frisé, est la chanterelle, connue vulgairement sous le nom de chevrette ; celui-ci, tantôt gris-perle et tantôt jaune-saumon, qui ressemble à une touffe de coraux, c’est la clavaire ou menotte. Voici le lactaire doré, dont les fines lamelles laissent transsuder une liqueur ambrée, — l’agaric élevé ou colmelle, avec sa bague et son parasol, — l’helvelle, dont le chapeau a l’air d’une mitre d’évêque, et non loin la tribu des hydnes. Remarque leurs allures singulières ; ils poussent par bandes et décrivent des demi-cercles autour des arbres. L’hydne est peut-être le plus original de nos champignons d’automne. Son pied est excentrique, et son chapeau jaune-paille se jette tout d’un côté ; des centaines de fines aiguilles verticales garnissent le dessous du chapeau et lui donnent une physionomie de hérisson. Pendant longtemps on ne ramassait pas les hydnes, et on les regardait comme des champignons dangereux. Heureusement on est revenu de ce préjugé. Dans l’un de mes derniers voyages à Paris, j’en ai aperçu une pleine corbeille à l’étalage d’un fruitier ; en revoyant dans une rue sombre et populeuse ces beaux hydnes à odeur d’abricot, encore demi-vêtus de mousse des bois, j’ai été aussi ému qu’un montagnard suisse expatrié qui entendrait tout à coup le Ranz des vaches.

Tout en discourant, nous avions ramassé des ceps et des helvelles, et fait une abondante moisson d’hydnes ; après y avoir ajouté quelques-uns de ces mousserons blanc de neige à feuillets roses, qu’on rencontre dans l’herbe courte des pâtis, nous avons porté toute notre récolte à nos amis les charbonniers. Naturellement nous avons été les bienvenus. Justement la charbonnière préparait un