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les conditions atmosphériques, ni par la communauté d’existence avec les êtres les plus divers, où elle n’est modifiée que sous le rapport de la taille et de la couleur. M. Alphonse de Candolle suit la propagation du mouron des champs[1] à travers l’Europe, en Afrique, sur le continent asiatique, aux États-Unis, au Mexique, au Brésil ; entre la plante cueillie près des chemins du cap de Bonne-Espérance et celle qui pousse au voisinage du Léman, il ne découvre aucune différence essentielle[2]. Le séneçon commun en Europe et en Amérique, notre liseron des champs en Suède, en Égypte et à la Chine, conservent la même physionomie. Rares néanmoins sont les plantes et les animaux qui peuvent défier également le froid vif et la chaleur extrême, la sécheresse et l’humidité. Transportée loin de sa patrie, l’espèce animale comme l’espèce végétale languit et meurt ; si elle vit, elle cesse de se propager d’une façon naturelle. De nos jours, l’expérience porte sur des milliers d’espèces. Personne ne l’ignore ; la culture possible de la vigne, de l’olivier, de l’oranger, du froment, a des limites infranchissables. Au milieu des Alpes, le touriste le moins observateur, en s’élevant sur la montagne, demeure frappé de la différence entre la végétation de la zone supérieure, de la zone moyenne et de la région inférieure. La primevère, l’œillet, la violette, qui se plaisent près des champs de neige et des glaces éternelles, ne supportent point la température favorable à l’aconit et à l’ancolie. Les graines par le vent emportées dans le creux des vallons qu’échauffe le soleil ne donnent jamais naissance à des plantes modifiées ; elles ne se développent en aucune façon. Le renne, amené dans un pays où les chaleurs de l’été se font un peu sentir, ne tarde pas à succomber ; l’ours polaire résiste mal aux ardeurs du soleil ; la truite, qui recherche les eaux limpides, est asphyxiée dans l’étang bourbeux où vit l’anguille.

Pour la foule des végétaux et des animaux, le besoin impérieux de stations particulières, indépendantes du climat, est manifeste. L’étrange orchidée qui semble se cacher sous les hautes futaies ne vient pas sur la terre nue ; les herbes dont on tire de la soude ne quittent pas les bords de la mer[3]. Le chêne et le sapin peuvent-ils donc prospérer dans la prairie humide, ou le peuplier sur la montagne sèche et pierreuse ? Si avec lenteur et par des transitions insensibles la plante s’accommodait du sol où ses graines se trouvent répandues, ne verrions-nous pas les saules et les osiers peu à peu éloignés des rives du fleuve, végétant bien loin des eaux, et

  1. Anagallis arvensis.
  2. Géographie botanique.
  3. Les espèces du genre Salsola, de la famille des chénopodiacées.