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sujet, les expériences sont nombreuses, elles ne laissent nulle place soit au doute, soit à l’hypothèse. L’eau des mers a le degré de salure qui convient à la plupart des êtres marins ; sur les points où l’eau douce est versée en abondance, la vie est en grande partie éteinte. Très peu d’espèces végétales et animales s’accommodent des eaux saumâtres. Sur les côtes de l’Océan et de la Méditerranée, c’est merveille de voir en quelle profusion s’agitent des créatures de toute sorte ; la vie se manifeste sous les formes les plus variées, avec une richesse dont on n’a guère d’exemples sur les terres. Dans la Mer-Noire et la Baltique, qui reçoivent d’énormes quantités d’eau douce, la salure se trouve affaiblie, c’est presque le désert ; la faune est d’une extrême pauvreté. D’après cela, on juge de l’effet sur le plus grand nombre des êtres d’un changement dans les conditions d’existence.

À toutes les époques sans doute, la pensée humaine s’est arrêtée sur les vers intestinaux ; une sorte de répugnance, une véritable surprise, étaient excitées par ces êtres qui habitent les profondeurs de l’économie d’autres êtres. Dès l’instant que les phénomènes de la nature commencent à devenir l’objet d’investigations sérieuses, on médite sur le genre de vie et sur la naissance des vers parasites. Rien encore ne permet d’expliquer l’introduction des vers dans l’organisme ; pour la satisfaction de la vanité, un mot qui dissimule l’ignorance est prononcé ; on répète : génération spontanée, lorsqu’il s’agit d’animaux dont la puissance de reproduction est inouïe. L’œuvre scientifique se poursuit ; on constate que chaque espèce de parasite est propre à une espèce particulière ou de mammifère, ou d’oiseau, ou de poisson, et les zoologistes en déterminent les caractères extérieurs. Scruter l’organisation de créatures aussi étranges devient le désir de plus d’un investigateur ; longtemps les tentatives des anatomistes ne donnent que de pauvres résultats : on se persuade alors que les vers parasites ont une structure des plus simples. Quelques observations très imparfaites sur le développement et le mode de propagation de ces animaux procurent les premières notions de faits extraordinaires. Enfin l’état général de la science invite à un grand effort ; l’organisation des créatures qui comptent parmi les plus étranges est reconnue, les ressemblances avec les espèces libres exactement appréciées. Des vers toujours dépourvus d’organes de génération se logent dans les muscles ou sur les viscères ; les naturalistes les regardaient comme des êtres particuliers[1], et demeuraient bien en peine quand ils cherchaient à se figurer la naissance de pareilles créatures. On démontra que les vers

  1. Dans les classifications, ces vers agames formaient l’ordre des Cystiques.