Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/596

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

changement dans les caractères extérieurs ou dans l’organisation du parasite.

De l’ensemble des observations et des expériences sur la nature vivante se dégage un fait qui frappe les yeux : pour la vie de chaque espèce végétale ou animale, la nécessité de conditions plus ou moins strictement déterminées. On a supposé les êtres capables de se modifier lorsqu’ils subissent des influences nouvelles, et nous voyons que toutes les créatures périssent, si les conditions ordinaires de leur existence et de leur propagation ne sont pas réalisées. Les diverses espèces de plantes et d’animaux se montrent inégalement exclusives dans le choix de l’habitation et du régime ; en changeant de milieu, disons-le encore, les plus indifférentes ne subissent pas de variations sensibles ou ne sont affectées que dans les traits superficiels ; des milliers d’exemples le prouvent. On n’est pas encore parvenu à découvrir un seul fait qui puisse rendre douteuse cette vérité absolument générale ; selon toute apparence, la découverte se fera beaucoup attendre.


II.

Depuis l’antiquité, on sait qu’un animal peut s’unir à un animal d’espèce voisine et donner des produits. Les unions du cheval et de l’ânesse, de l’âne et de la jument, ont été sans doute observées chez tous les peuples en possession de ces précieux auxiliaires de la civilisation. On n’ignorait pas que les produits sont condamnés à mourir sans postérité ; en général, le mulet est stérile. Dès les temps anciens, on s’était assuré de la fécondité des mariages du bouc et de la brebis. L’individu hybride étonne ; le mélange plus ou moins capricieux des caractères d’un père et d’une mère à certains égards fort dissemblables est une bizarrerie qui excite l’intérêt des naturalistes et la curiosité de tout le monde. Aussi l’imagination s’est-elle donné carrière au sujet de prétendus animaux issus de types zoologiques fort divers. Longtemps on crut à l’existence des jumarts, nés du taureau et de la jument ou du cheval et de la vache. Si personne ne les avait vus, cela n’empêchait pas de les décrire, il est vrai d’une manière un peu vague. À l’égard des hybrides, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire[1] a rappelé les folles croyances qui existaient pendant le moyen âge et même à une époque beaucoup plus récente. Avec le progrès de la science s’est éteinte l’idée d’unions possibles et surtout d’unions fécondes entre des animaux d’organisation très différente. D’un autre côté, les exemples du mulet et des oiseaux provenant du mariage du chardonneret avec la serine

  1. Histoire naturelle générale des règnes organiques, t. III, p. 141.