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L’idée, juste selon toutes les apparences, que des mammifères, des oiseaux, des insectes, éprouvent le charme de certaines beautés physiques est développée ; alors, dans l’entraînement à donner un rôle prépondérant aux êtres qui d’une manière accidentelle auraient reçu quelques faveurs de la nature, et à chercher le perfectionnement continu au sein de la création, on finit par prêter à des animaux les sentimens les plus exquis de l’âme humaine, qui sont dans l’humanité de très rares exceptions. Sur la scène du monde, c’est autre chose ; nous remarquons fréquemment des unions se contracter entre de beaux individus et des sujets fort déshérités, entre les plus grands et les plus petits, presque toujours nous voyons mâles et femelles profiter de toute rencontre et ne s’occuper nullement d’un choix. De telles alliances sont favorables à la conservation des types.

On indique la possibilité de modifications dans l’origine des êtres avec un changement d’habitudes ou de conditions d’existence. L’observation nous force de reconnaître que des espèces indifférentes, dans une certaine mesure, soit au climat, soit au régime, ne subissent pas de variations bien sensibles, que la plupart meurent faute du régime et du séjour ordinaires. La pensée d’une communauté d’origine soit pour des espèces d’un même groupe, soit pour des types très caractérisés, sollicite sans trêve l’attention. Mainte fois les expérimentateurs s’efforcent de faire multiplier les produits de deux espèces végétales ou animales distinctes, les hybrides s’éteignent ; plus ou moins tôt, la stérilité arrête la propagation. Un doute ne subsiste dans la science que pour la descendance de quelques espèces extrêmement voisines. Dans les circonstances où prédomine l’un des élémens de la production des hybrides, l’autre s’efface. Ainsi se révèlent le caractère indépendant des types spécifiques et l’impossibilité de fondre deux espèces ou de constituer une nouvelle forme permanente. On déclare l’évolution des êtres incessante. L’hypothèse se montre encore absolument dénuée de fondement ; simple ou complexe, l’évolution de toute créature s’accomplit avec une invariable régularité ; jamais elle ne se prolonge au-delà d’une limite nettement tracée pour chaque type.

Songeant à l’état de la vie sur le globe durant les périodes géologiques, et s’appuyant de notions incomplètes, on présume que des êtres primitifs sont les ancêtres de plantes et d’animaux de l’époque actuelle, tellement éloignés des formes originelles que la filiation a été méconnue. Portant le regard sur les flores et les faunes de la longue période tertiaire, flores et faunes nous apparaissent vraiment comparables à celles d’un pays encore inexploré, où l’on observe des types qui n’existent point ailleurs et des formes voisines ou même