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Il est assez naturel que le roi de Birmanie regrette ses provinces perdues et cherche par un moyen quelconque à s’affranchir du traité humiliant qui lui lie aujourd’hui les mains. Ce souverain est trop sage et trop fin pour parler ouvertement dans ce sens à qui que ce soit, mais je crois que l’on peut, sans grand risque de se tromper, lire ces sentimens au fond de son cœur. Le moindre port de mer ferait bien son affaire.

Avant d’aller plus loin, examinons la situation géographique et commerciale de la Birmanie indépendante, dite aussi Haute-Birmanie. L’Indo-Chine peut se diviser naturellement en trois régions : la première correspondrait au bassin du golfe du Bengale, et comprend trois fleuves principaux dont le cours général a la direction nord-sud, et qui tous trois ont leurs embouchures assez rapprochées l’une (le l’autre ; ce sont l’Irawady, le Sittoung et le Salouen. La deuxième, qui correspond au bassin du golfe de Siam, comprend deux cours d’eau principaux dirigés aussi du nord au sud, le Meinani et le Mékong. La troisième région correspondrait au bassin de la mer de Chine et du golfe du Tonkin : dans cette partie, les cours d’eau ont une direction générale ouest-est ; au nord, on trouve le Sonkoï, rivière importante qui prend sa source dans la province chinoise du Yunnan. Ces trois régions naturelles correspondent à peu près aux trois régions politiques, qui, prises dans le même ordre, sont : la Birmanie, le royaume de Siam et l’empire d’Annam. Deux points seulement font exception au tableau que nous venons d’esquisser de l’Indo-Chine. C’est d’abord la partie méridionale de !a presqu’île de Malacca, dont les Anglais sont presque absolument maîtres aujourd’hui ; ce sont ensuite les embouchures du Mékong, qui, avec d’autres provinces et le petit royaume du Cambodge, forment la colonie française de Cochinchine.

L’empire d’Annam, dont le souverain réside à Hué, est lié avec nous par un traité qui, tout en lui laissant son indépendance, le contraint à certains égards vis-à-vis de notre pays, et, s’il manquait jamais à ses engagemens et que la France éprouvât le besoin d’une expansion coloniale, elle trouverait dans la vallée du Sonkoï et le long de la côte orientale de l’Indo-Chine un terrain pour ainsi dire préparé à la recevoir.

Le royaume de Siam a de tout temps été en lutte avec la Birmanie au sujet de la suzeraineté à exercer sur les contrées connues sous le nom général d’états schans. Aujourd’hui il semble que ces états jusqu’au 20e degré de latitude soient sujets de Siam, tandis qu’au nord de ce parallèle ils dépendraient de la Birmanie, et celle-ci serait ainsi limitrophe de la province du Tonkin, laquelle relève, nominalement au moins, de la cour de Hué.