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car ce parti de tout temps s’est distingué par une incroyable férocité. On n’a qu’à lire tout au long dans Antonio Pirala, écrivain honnête et impartial, le récit de la première guerre civile et des horreurs qui s’y commirent. Certes les libéraux ne furent pas toujours exempts de reproches, et se laissèrent trop souvent entraîner à des excès impardonnables ; il faut convenir pourtant que, dans cette affreuse lutte de représailles, les carlistes se montrèrent de beaucoup les plus implacables et les plus acharnés. Un O’Donnell, colonel au service d’Isabelle II, était tombé aux mains du général Zumalacarregui, le seul homme vraiment supérieur qu’aient eu les carlistes. Celui-ci le reçoit avec toute la considération due à son rang : ils s’étaient connus autrefois, la conversation fut des plus cordiales ; le carliste, par mille promesses, essayait de gagner son prisonnier à sa cause ; mais, comme O’Donnell refusait, alléguant la foi jurée et la reconnaissance qu’il devait à la reine, sans plus tarder il est passé par les armes. Ses compagnons, au nombre d’une centaine, eurent le même sort ; l’un d’eux, un officier, Clavijo, connu dans l’armée libérale, était mourant de ses blessures : on l’arrache du lit de paille où il gisait pour le fusiller. C’est ce même Zumalacarregui qui quelques jours plus tard faisait mettre à mort en une fois 120 soldats pris à Gamarra les armes à la main. Tel chef de bande à l’occasion allait plus loin encore.

L’esprit se refuse à croire de pareilles horreurs, et cependant, si invraisemblables qu’elles paraissent, les scènes de la dernière guerre se sont renouvelées de nos jours. Que dire en effet de cette épouvantable exécution d’Olot, où sur les ordres du cabecilla Saballs près de 200 prisonniers de l’armée libérale ont été fusillés ? On se rappelle le triste sort de la colonne Nouvilas, qui fut au mois d’avril dernier cernée, prise en partie ou rejetée sur la frontière. Les prisonniers comptaient déjà trois mois de captivité quand Saballs ordonna de procéder au massacre. Voulait-il ménager ses vivres ? voulait-il simplement faciliter la marche de sa troupe en se défaisant de ceux qui l’embarrassaient ? Toujours est-il que 75 carabiniers, soldats de douane, mariés pour la plupart et pères de famille, furent passés par les armes, et avec eux 112 soldats de ligne, soit un sur cinq des autres prisonniers. Bien que les carlistes aient essayé d’étouffer le bruit de cette épouvantable affaire, des récits de témoins oculaires se sont produits ; il y a là sur les derniers momens des carabiniers, leur désespoir, certains détails qui font frémir.

Les carlistes argueront du droit de représailles, ils diront qu’ils ont été provoqués, poussés à la violence par les nécessités de la lutte et la barbarie de leurs ennemis. Or, soit dit à leur honneur, les libéraux ont aujourd’hui complètement répudié les traditions cruelles de la guerre qui se termina en 1840. Que l’on compare les