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le gouvernement, sauf dans la commune, où les habitans le choisissent eux-mêmes. Dans les provinces, à côté des caïmakans qui gouvernent à l’aide de troupes de police, la force militaire a, comme chez nous, un commandant propre : les finances sont confiées à des agens spéciaux depuis les receveurs particuliers des districts chargés de surveiller la rentrée des droits du fisc, jusqu’au payeur-receveur-général des provinces et au gouverneur-général en rapports directs avec le ministre des finances. Un registre clos chaque année, signé par les conseils provinciaux, transmis aux conseils des gouvernemens, parvient au grand-conseil de l’empire. Rien ne manque, on le voit, à cette hiérarchie. Il est vrai que de la théorie à la pratique la différence est grande ; à tous les degrés du pouvoir, ces conseils ne fonctionnent ni pour contrôler ni pour régler ; l’arbitraire le plus absolu règne dans l’assiette et le recouvrement des impôts : le système de fermages auquel sont soumises certaines taxes se prête aux déprédations les plus graves. La bonne volonté du gouvernement lui-même se trouve contrariée par les mœurs, plus fortes que la loi, par l’abus de la contrebande en matière de douanes, par la diversité du régime politique sous lequel vivent les sujets musulmans pourvus de certains privilèges et les sujets non musulmans défendus de leur côté par les capitulations qu’on peut appeler une vraie prise de possession du territoire ottoman en faveur des puissances étrangères, enfin et surtout par l’ignorance et la haine de tout progrès enracinées au cœur des fils du prophète.

Comme aucun changement sérieux ne s’est fait dans cet état de choses, il n’y a pas encore lieu, ce nous semble, d’attribuer une importance décisive au dernier budget présenté en février 1874 : il faut attendre l’effet de la nouvelle organisation décrétée il y a deux mois à peine, qui, si elle est sérieusement appliquée, donnera aux chiffres publiés une signification authentique. Le budget de 1874 se solde en recettes par 5 millions de bourses en chiffres ronds, soit, en calculant la bourse turque à 112 francs 50 cent., 562 millions 1/2 de francs ; c’est, dit le document officiel, une augmentation de plus de 82 millions sur l’année précédente. Les dépenses dépassent un peu le chiffre des recettes ; le déficit ne s’élèverait qu’à 7 millions 1/2 de francs, résultat d’autant plus satisfaisant que d’une année sur l’autre la diminution des dépenses atteindrait près de 23 millions de francs. Le principal article des contributions directes est le verghi, impôt sur le revenu, qui donne 73 millions de francs. Le verghi frappe tous les revenus immobiliers et commerciaux ; les premiers, qui paient en outre la dîme sur leurs produits en nature, sont plus chargés que les seconds. L’évaluation des uns et des autres, arbitrairement faite dans chaque localité au