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en une dette perpétuelle à intérêt de moins en moins élevé ? Cet intérêt sera-t-il toujours exactement payé, de même que les dépenses inutiles prendront-elles fin ? Nous n’osons ni le prévoir ni le prédire, mais nous osons encore moins affirmer le contraire.


II.

Il est plus difficile encore de voir clair dans les finances de l’Égypte que dans celles de la Turquie, car en Égypte une cause spéciale doit produire un grand embarras dans la situation de l’état. Cette cause de trouble et de confusion, c’est la juxtaposition de deux budgets, de deux trésors, qui se mêlent, s’enchevêtrent et se nuisent : le trésor et le budget du gouvernement égyptien, de l’état lui-même, et ceux du souverain, — ce qu’on appelle le budget public et le budget de la daïra. Cette séparation ne date guère de plus de dix années. Le vice-roi Ismaïl-Pacha, en succédant à Saïd en janvier 1863, eut pour premier soin de liquider la situation très embarrassée de son prédécesseur tant au point de vue des finances de l’Égypte que de sa propre fortune et d’en faire deux comptes séparés. Dans l’examen des finances égyptiennes, il faut donc faire la part du khédive et celle de l’état.

Le premier emprunt d’état égyptien a été émis en 1858. Saïd-Pacha négocia avec la maison de banque Charles Laffitte un emprunt de 28 millions de fr., qui est remboursé depuis 1865. Trois ans plus tard, on créa pour liquider les dettes de deux sociétés, — celle de la Medjidié, société pour la navigation à vapeur, et la caisse des veuves et orphelins, — des obligations à 10 pour 100, amortissables en dix ans, qui ne circulèrent qu’à l’intérieur. En 1862, le marché anglais fut ouvert pour un chiffre bien plus important, — 72 millions de francs, — au 7 pour 100 égyptien (type désormais invariable de la dette extérieure), émis à 82 et 84 pour 100, garanti par les revenus du Delta, amortissable en trente ans, et qui avait pour objet de diminuer la dette flottante. Cette nécessité, qui s’imposait déjà à Saïd, devint bien plus pressante pour Ismaïl-Pacha, qui trouvait à son avènement un découvert de 250 millions. En 1864, il dut négocier à Londres une émission de 170 millions remboursables en seize ans, et deux ans après un autre emprunt de 75 millions, applicable à la création des chemins de fer, dont l’amortissement fut rapproché à huit ans seulement. Enfin en 1868 l’emprunt dit de la Société générale ouvrit le marché de Paris pour une somme de 296 millions au 7 pour 100 égyptien, au taux d’émission de 75 fr., remboursable en trente ans. L’importance de ce chiffre indique bien que le nouvel emprunt avait pour principal but la consolidation des dettes flottantes