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vit s’établir aussi les états-généraux, la chambre des comptes, comme le parlement, avait été destinée d’abord à suffire pour l’administration financière de toute la monarchie ; mais, à mesure que celle-ci prit une plus grande extension, la nécessité s’imposant d’ailleurs de conserver les cours de finance ou les juridictions féodales qui existaient dans les provinces successivement annexées, il fallut créer ou admettre des chambres des comptes provinciales. En même temps que le parlement se trouva peu à peu démembré par l’établissement de treize autres sièges, la chambre des comptes de Paris se vit réduite à n’avoir plus dans son ressort que quinze ou dix-huit généralités. Cela ne devait empêcher ni l’une ni l’autre de ces deux cours de conserver une suprême autorité morale, qui allait se montrer dans leur histoire.

Philippe le Bel avait entrepris de reconstruire le palais de la Cité avec l’intention de l’entourer d’une solide enceinte, à l’abri de laquelle seraient réunis tous les principaux trésors et instrumens de la royauté : les reliques et les chartes dans la Sainte-Chapelle, puis le trésor royal, la cour de parlement et la chambre des comptes. La Cité n’était pas encore elle-même formée tout entière telle que nous la connaissons aujourd’hui ; un des îlots qui devaient plus tard y être rattachés s’appelait l’île aux Juifs, et sur l’emplacement de cet îlot s’ouvrit plus tard cette rue de Jérusalem ou de Galilée que nous avons vue subsister jusqu’à nos jours. C’est de ce côté, vers le sud-ouest, que fut construite, après qu’on eut quitté le Temple, la première chambre des comptes, remplacée dans les premières années du XVIe siècle par un bel édifice destiné à durer jusqu’au violent incendie de 1737, et à devenir pendant deux siècles et demi la scène où s’est développée une importante période de l’histoire de la seconde cour souveraine. Cet édifice était probablement l’œuvre intéressante d’un moine italien, le célèbre dominicain véronais fra Giocondo, le même qui fut chargé de plusieurs autres travaux dans Paris, et dont le P. Marchese a de nos jours écrit l’histoire. C’était un beau spécimen du style de la renaissance conservant quelque chose du genre gothique. Les bâtimens s’étendaient sur une ligne perpendiculaire à l’axe de la Sainte-Chapelle, et parallèlement à son portail, en allant vers le fleuve. La façade en était tournée vers la cour intérieure du palais ; on entrait par un escalier extérieur appuyé au côté sud de la Chapelle et recouvert d’une légère arcade surmontée de clochetons ; c’était cette fameuse montée devant laquelle, dans le chapitre de Rabelais consacré à la chambre des comptes, Pantagruel tombe en grande admiration. Cet escalier donnait accès vers deux corps de logis de différente hauteur, avec les toits élevés en forme de pignon et les murs extérieurs recouverts