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à des officiers chargés de faire observer les lois. Sa majesté, dit le Mémorial, après avoir écouté avec patience, répondit qu’elle reconnaissait qu’avec beaucoup de bonnes et suffisantes raisons ils lui avaient fait leurs remontrances, qu’elle était bien aise d’avoir entendu l’importance de ce fait, qu’elle louait et approuvait beaucoup leurs saintes intentions ; mais, de deux grands maux, le sage avait coutume de subir le moindre : telle était la nécessité en ce moment qu’il devenait plus utile d’abandonner une partie que de perdre le tout. Si par faute de gens de guerre ou pour être abandonné des Suisses, qui l’avaient bien et fidèlement servi jusque-là, le roi venait à succomber dans une bataille, il ne perdait pas seulement deux ou trois baronnies, il perdait la monarchie entière. Les dettes n’étaient pas venues de ses défauts ni de son mauvais ménage ; au contraire, il avait trouvé, lors de son avènement, l’état engagé de toutes parts, plein de tumultes, de feu et d’armes ; il y avait employé sa personne et ses moyens, il avait consenti même l’aliénation de ses patrimoines, secours encore insuffisant, s’il ne touchait maintenant au domaine. — Comme les députés lui opposaient de nouvelles objections, il prononça enfin, dit le procès-verbal, que « la nécessité et l’état présent de ses affaires exigeaient que l’édit eût lieu, qu’il entendait que, sans plus retourner, la vérification se fit sans difficulté, que c’était chose résolue, qu’il n’en voulait plus ouïr parler. Lors lui fut dit qu’ils en feraient leur rapport à la chambre de son exprès commandement. » Dans une pareille occasion, peu de temps après, il adressait au premier président cette énergique épître, que M. de Boislisle a fort heureusement exhumée.


« Monsieur le président, je vous ai assez clairement fait entendre l’état de ma nécessité et conjuré autant que j’ai pu d’y pourvoir par la vérification de mes édits… Comme si le mal ne vous touchait point en ma personne, en ma réputation et en la ruine de ce royaume, je ne sens aucun fruit de ma plainte. Je puis dire avec vérité que vos compagnies m’ôtent la victoire de la main, perdent ma réputation et ruinent mon état pour faire triompher l’Espagnol. Otez-moi donc cette juste douleur, et donnez-y tel ordre que je ne sois point contraint de venir aux extrémités auxquelles il semble que par force on me veuille précipiter, car je suis résolu de me faire plutôt obéir par ceux qui me doivent obéissance que de me perdre et mon état, et n’y a point de rigueur si grande au monde qui ne soit pleine de justice devant Dieu et devant les hommes quand il s’agit de conserver la personne de votre roi et son état… »


Si le lecteur craignait, parce que cette lettre est contre-signée d’un secrétaire dans l’original, conservé chez M. de Nicolay, de ne