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du sauvage, qui pourrait encore échapper, mais les femelles comprennent à demi-mot. Après un nombre de jours qui varie suivant la distance de la forêt à la ville, voici le troupeau arrivé à quelques kilomètres de Mandalay. Le sauvage commence bien à s’apercevoir de l’étrangeté du spectacle, il n’est plus dans la forêt, il voit des éléphans montés par des hommes à une certaine distance du troupeau, il remarque les gens travaillant dans les champs ou passant sur les chemins : aussi se tient-il au milieu de ses compagnes, aveuglément confiant dans leur affection et dans leurs bons procédés.

La prise de l’éléphant sauvage est fixée au lendemain, le public en est informé, et la foule se transporte au jour prescrit à l’arène disposée à cet effet. Nous n’entreprendrons pas la description détaillée de ce cirque, toutefois il est indispensable d’en dire quelques mots. L’arène proprement dite est limitée par une sorte de palissade en troncs de bois de teck solidement fichés en terre ; cette palissade est séparée de l’emplacement qu’occupent les spectateurs par un couloir d’une largeur de 3 mètres environ, et elle n’est pas continue, les troncs de bois qui la forment laissent entre eux un espace d’environ 1 mètre. On voit déjà qu’un homme poursuivi dans l’arène par un éléphant peut se précipiter dans le couloir sans que l’animal puisse l’y suivre. Cette arène a deux portes, l’une d’entrée, l’autre de sortie, comme la plupart des arènes, me dira-t-on, — avec cette différence toutefois que la porte de sortie est double, et chacune des sorties est à environ 5 mètres de l’autre. Ces portes ne sont pas ce que nous pourrions supposer au premier abord. Le passage est fermé par deux troncs de bois de teck mobiles, pouvant glisser dans une rainure pratiquée en terre et susceptibles de pivoter autour d’une cheville qui les traverse dans le haut. Quand la porte est censée ouverte, les deux troncs qui la composent forment une sorte de triangle dont la base serait la rainure ; au contraire, si on la suppose fermée, les deux troncs sont parallèles. On maintient les troncs écartés dans le bas ou la porte ouverte à l’aide de cordes qu’il suffit de couper pour que les troncs se rapprochent, c’est-à-dire pour que la porte se referme. L’intervalle compris entre les deux portes fermées constitue une grande cage à claire-voie dans laquelle il s’agira d’emprisonner l’éléphant sauvage. Le cirque est disposé de telle sorte que les spectateurs peuvent voir aussi bien ce qui se passe au dehors qu’au dedans.

L’heure des émotions est enfin venue ; la porte d’entrée du cirque est ouverte, on voit au dehors le troupeau de femelles qui s’avance vers cette porte, maintenant au milieu d’elles le sauvage, qui se trouve heureusement être un éléphant dans la force de l’âge ; la